Les Héritiers de la Guerre T.1

Chapitre 7 : Elik Partie 1

Je me réveille avec un mal de tête lancinant, le pouls qui bat dans mes tempes et l'impression que mes yeux vont sortir de leurs orbites. Je porte la main devant mes paupières. La lumière qui perce à travers les rideaux m'éblouit, tandis que je me redresse lentement dans mon lit. Cela fait une semaine que je passe des nuits épouvantables, entre insomnies et cauchemars, donc on peut dire que me lever chaque matin dans cet état est presque devenu une habitude.

Je réalise d'étranges rêves où j'ai l'impression de ne plus avoir ma place ici, d'être un imposteur et que les Archanges me veulent du mal. Et, cette nuit n'a pas fait titre d'exception. De ce que je me souviens de ce cauchemar flou, j'étais moi, mais pas vraiment, poursuivi par les miens qui ne voulaient qu'une seule chose : ma mort. Je pousse un long soupir pour décompresser. Il s'agit encore d'une histoire complètement absurde de mon esprit torturé. Alors pourquoi tous ces cauchemars me travaillent autant ?

Tombe alors au sol le livre sur lequel je me suis endormi la veille. Il s'agit d'un ensemble de contes écrits avant la Pluie Pourpre, celui dont Avna avait fait mention la nuit où elle a dormi chez mon père. Avna. Comme à chaque fois que je pense à elle, mon cœur se serre dans ma poitrine, mais je décide de l'ignorer.

Je ramasse l'ouvrage et le feuillette distraitement. Les contes ne sont pas des œuvres que j'affectionne lire. Je préfère davantage les livres historiques. Mais, étant donné que c'est l'un des rares ouvrages que l'on peut trouver datant d'avant la fameuse Pluie, je le considère d'une certaine manière comme tel. Il n'a sûrement pas été banni, car son contenu a dû être jugé inoffensif et qu'il est écrit en langue ancienne, très peu enseignée de nos jours. J'ai la chance d'avoir pu l'apprendre par moi-même.

Je suis contraint d'admettre que la princesse Immoran m'a bien cerné, ce recueil m'intrigue beaucoup. Une des histoires que j'ai pu y lire m'a marquée et je ne peux pas m'arrêter d'y penser. Est-ce parce que d'une certaine manière, j'ai l'impression de m'y reconnaître ? Je ne saurais vraiment le dire. Mes doigts s'arrêtent à la page où commence le récit.

Le conte d'Isis et d'Isma relate le récit de deux princesses naissant chacune dans deux royaumes ennemis depuis des siècles, si bien qu'ils ne savent plus pourquoi ils se font la guerre. Les princesses se rencontrent sur un chemin de forêt et finissent par tomber amoureuses. Cependant, leur amour est impossible à cause de leurs familles qui se haïssent, et lorsque leur liaison finit par être découverte, Isma se retrouve enfermée dans un donjon. Une guerre est déclarée. Isis arrive néanmoins à libérer sa bien-aimée, et ainsi toutes deux se sauvent pour vivre le restant de leur vie leur idylle loin des conflits et personne ne part à leur recherche.

Ce conte me perturbe à bien des égards, ainsi que la morale qui m'échappe complètement. Les choses ne peuvent pas être aussi simples. Personne ne peut ou en tout cas, ne devrait laisser tomber ses proches de la sorte pour ce qu'on appelle l'Amour. Isis et Isma auraient tout bonnement pu décider de s'éprendre de quelqu'un d'autre, choisir une partenaire plus simple, ou bien essayer de concilier les deux familles. Quelle leçon tirer de ce conte ? D'être égoïste et de tout laisser en plan après avoir, entre autre, causé une guerre et fermer les yeux sur leurs familles qui en mourront ?

Cependant, d'un autre côté, ce récit me fascine. Existe-t-il vraiment un sentiment si fort qu'il nous pousserait à tout abandonner pour lui ? Peut-on être autant dévoué et lié à un autre être humain ? La dévotion ne devrait pas n'appartenir qu'aux croyances ? De ce que j'ai pu en apprendre à travers les expériences de mes compères, l'amour pousse les personnes à faire des choses inconsidérées et irréfléchies. Comme dans cette histoire. Comme dans les paroles des Archanges qui nous mettent en garde.