Chapitre 2 : Avna

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Je me morfonds dans l’attente et l’anxiété. Tryvna est entrée depuis au moins une heure au sein de la chapelle Mahar, à la recherche de l’objet apparu dans mes rêves. La vision que j’ai eue est à vrai dire assez vague, ce qui a conduit à ce plan plus que bancal. Dans l’expectative, je reste plantée là, à côté de la bâtisse, dans cette ruelle que je ne connais pas, avec la nuit qui projette sur les murs de pierre des ombres effrayantes. Aux aguets au sein du territoire ennemi, mon esprit me joue des tours et j'ai cette désagréable impression que l'on m'observe. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine, mais je tente de l'apaiser en prenant de profondes inspirations. Il faut que je reste concentrée, sinon tous nos efforts risquent de tomber à l’eau.
Je ne peux tout simplement pas tout faire foirer alors que je suis si près du but…

Que faire pour m’apaiser ?

Je prends une profonde inspiration et je tente de me remémorer pourquoi je suis ici et tout ce que j'ai traversé pour cela. Le rêve lucide ne m’a laissé aucune place au doute. La Déesse elle-même m'a transmis une vision afin de prévenir la guerre qui s’annonce. Tobo-ha m'a laissé une preuve incontestable de son passage : à mon réveil, j’ai trouvé dans ma main une plume mauve. Son symbole.

Cependant, si je me devais d’être parfaitement honnête avec moi-même, j'aurais préféré quelque chose de plus concret. Comme une carte qui m’indique la position exacte de ce que je devais trouver, par exemple ! Tout ce que j'ai eu consiste à l’image mentale d’un objet en fer contre une paroi en métal, avec le son des cloches d'une église en fond sonore. Ce type de bâtisse se trouvant quasiment toute sur le Continent.

Voici comment j'ai établi le plan bancal de ma quête qui n’est nulle autre que de fouiller toutes les églises du Continent. Quelque chose d’absolument pas chronophage et de quasiment irréalisable ! Je compte sur mon instinct, ma fortune et le Destin pour nous guider. Je n'en ai bien sûr pas parlé à mon père, qui refuse de voir ce qui se trame contre nous, et cela, malgré les rumeurs que nous ont rapportées les marchands qui passent d’île en île. Face à ce déni, je ne pouvais que lui éluder mes visions.

Alors j'ai pris mes sous et Tryvna, ma garde du corps et amie, sous le bras pour nous entraîner dans un périlleux périple maritime d’une semaine, en réalisant des détours au gré des commerçants. Masquant notre identité grâce à mon pouvoir d'illusion, qui nous fait adopter l’apparence que je choisis, nous avons pu nous rendre jusque-là sans nous faire prendre. Par chance, nous avons directement débarqué ce matin à la ville portuaire de Tsefira, qui est également la capitale. Nous avons attendu la nuit pour agir et nous voilà en train d'inspecter un deuxième lieu saint, cette chapelle, impressionnante de par sa grandeur et la magie qui en émane.

Je sens la fatigue m'étreindre, mais je me pince aussitôt les cuisses pour me maintenir éveillée. Pour la première fois, j'utilise mes illusions sur une autre personne que moi. Et, les maintenir sur Tryvna depuis une semaine sans interruption, commence sérieusement à puiser dans mon énergie vitale. Même si l’infusion de mon pouvoir dans la pierre d'améthyste m'aide beaucoup, ce genre de manipulation représente également une nouveauté. Je sais que mon corps atteint petit à petit ses limites. Je me mords les lèvres en signe de nervosité.

Reviens-moi vite, Tryvna ! Qu'est-ce qui te prend si longtemps ? je ne peux m'empêcher d’envoyer par pensées, mais celles-ci ne trouvent pas d'écho. Seule la famille royale, descendant de l’enfant de la Déesse et du Reye, possède la capacité de communiquer par télépathie. Je fais le triste constat que depuis que je me trouve ici, je ne reçois aucune réponse à mes tentatives de liaison avec ma famille, comme si la communication était brouillée. Je ne me suis jamais sentie aussi seule que maintenant.

Sur cette triste pensée, secouée par la morsure du froid nocturne à travers mes habits peu adaptés au climat continental, un frisson parcourt mon corps. C’est impressionnant comme le trajet qui sépare le Continent de Bethir suffit pour que les températures soient si différentes alors qu’un bateau sans escale mettrait environ quatre à cinq jours à faire le voyage. Je commence à me dandiner ainsi qu'à souffler dans mes mains, à la recherche d'un peu plus de chaleur. Je ne vais pas mourir en étant assassinée par un Mahar qui aura découvert ma véritable identité d'Immoran. Non, je vais simplement finir congelée en attendant mon amie à côté de cette foutue chapelle, dans cette foutue ruelle mal éclairée ! L'impatience cède peu à peu place à l'agacement et à la colère.

Les Héritiers de la Guerre T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant