Chapitre 1 : Elik

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Deux siècles après la Pluie Pourpre

Vallem et moi patientons devant la salle du Conseil depuis bientôt trente minutes lorsque mon cousin commence à s'impatienter. Comme à son habitude, le Grand Prêtre est en retard. Ces derniers mois, avec les préparatifs de la Guerre Sainte, il est sollicité de partout, tellement qu'il est impossible pour lui de faire preuve d'une quelconque ponctualité qui soit. Vallem ne pouvant contenir son agacement plus longtemps, se penche à mon épaule pour me le communiquer :

- Je n'en peux plus d'attendre. On a passé la journée à s'entraîner et à assister à des réunions de stratégie. La nuit ne va pas tarder à tomber et je n'ai que deux envies : manger un repas chaud et aller me coucher le ventre plein.

- Patience, le Grand Prêtre ne devrait plus tarder à arriver, je lui assure.

- Mais je ne comprends pas pourquoi on nous impose une prédication maintenant, alors que nous connaissons déjà ces sermons par cœur, ainsi que les mythes qui les accompagnent.

- Il ne s'agit pas de mythes Vallem, mais de l'histoire de nos ancêtres et ils définissent qui nous sommes. Il faut connaître d'où l'on vient, pour savoir où l'on va. Ne connais-tu donc pas ce proverbe ? je réponds sèchement, commençant à mon tour à m'agacer du manque de sérieux dont mon cousin peut parfois faire preuve.

- Mais Elik, je voulais dire ça-, essaye de s'expliquer Vallem en passant une main tremblante dans ses cheveux châtains, emmêlés et poussiéreux par les séances intenses d'entraînement au combat de cet après-midi.

- Je n'ai plus envie d'écouter tes inepties. Si tu qualifies notre histoire de « mythe », ou je ne sais quelle autre hérésie, alors tu devrais aller plus souvent prier l'archange Cudrix, pour qu'il te redonne la foi.

Pour montrer que la conversation est terminée, je me détourne de lui et croise les bras sur mon plastron en métal, faisant claquer mon pendentif de Bravik contre celui-ci. Je parcours du regard les autres Mahar, cousins, tantes et oncles qui attendent avec nous. Nous sommes nombreux à être convoqués et cela attise d'une certaine façon ma curiosité, car c'est pour le moins inhabituel.

C'est à cet instant que le Grand Prêtre décide de faire son apparition dans l'escalier. Il est guidé par une jeune fille, que je reconnais grâce à sa robe rouge et son pendentif, comme étant une Mahar de Fahmer. La main du Grand Prêtre posée sur son épaule lui permet de se déplacer sans trébucher. Un épais voile blanc recouvre le cristallin de l'homme de foi, ce qui l'empêche de voir quoi que ce soit. Il porte une longue toge de la couleur de sa catégorie, blanche. Tout est blanc chez lui en réalité, de ses cheveux jusqu'au bout de ses ongles. C'est ainsi que j'imagine les Archanges quand j'essaye de me les figurer dans mon esprit. Lorsqu'ils arrivent à notre hauteur, nous les saluons et nous nous décalons tous respectueusement afin de les laisser passer. Nous les suivons de près et entrons à notre tour dans la salle de Conseil.

Y ayant passé le plus clair de mon temps ces derniers mois, je connais cette salle sur le bout des doigts. Des murs tapissés de rouge, aux grandes fenêtres donnant sur la cour du Château, jusqu'aux chaises de velours encadrant la longue table rectangulaire en marbre. Je pourrais parfaitement l'imaginer dans les moindres détails les yeux fermés. Il s'agit d'une des rares pièces que nous, enfin que mes ancêtres, avons laissé telle quel après la mort du Roi Impie, et des monarques qui l'ont suivi.

Cependant, pour la première fois, nous allons bénéficier d'une homélie religieuse en ce lieu plus habitué à des réunions de stratégie militaire qu'à autre chose. Je devine que s'il nous a réunis ainsi, c'est avant tout parce qu'avec la date du départ pour la Guerre Sainte qui arrive à grands pas, toutes les églises, même la nôtre, ont été réquisitionnées pour les mariages. L'une des visions reçues par les Oracles exige à tous les soldats de se marier s'ils fréquentaient une femme avant leur départ. Cette directive concerne surtout les Arah. En tant que Mahar, nous ne pouvons pas fréquenter une personne romantiquement, ou tout ce qui s'approche de ça. La personne avec qui nous allons partager notre vie est choisie par les Archanges le jour de notre vingt-cinquième anniversaire.

Les Héritiers de la Guerre T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant