27 - Quand les masques tombent...

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- Mara veut savoir si tu manges toujours avec nous ce soir après la course ?


Les yeux bleus du monégasque se détournent de l'écran de son téléphone lorsqu'il me demande cela et je reporte mon attention sur lui pour lui répondre, quittant du regard les écrans qui diffusent en direct différents angles du paddock.


- Oui bien sûr, j'ai confirmé à votre mère il y a plusieurs jours déjà. Elle m'envoie minimum un message tous les mois depuis le début de la saison pour être sûre que j'ai bien réservé ma soirée.

- C'est le Grand Prix de Monaco et elle a l'occasion de tous nous avoir sous la main le temps d'une soirée, tu t'attendais à moins de sa part ?


Sa question rhétorique nous fait tous les deux rire et je ne prends pas la peine de lui répondre, sachant aussi bien que lui que la mère de famille ne risquait pas de laisser passer sa chance. Elle est actuellement dans le garage Ferrari avec Lorenzo et Mara et je serais prête à parier qu'elle a envisagé de me coller une balise GPS quand je l'ai vue ce matin pour être sûre que je ne m'échapperais pas à la fin de la course. Depuis ce fameux Noël passé chez les Leclerc il y a près d'un an et demi, la monégasque semble s'être donné pour mission de me faire appartenir à une famille à nouveau et je dois avouer être assez réceptive à toutes ses attentions. Elle a d'ailleurs surement missionné Arthur pour qu'il garde un œil sur moi puisque je ne pouvais pas regarder le Grand Prix à ses côtés dans le garage concurrent de mon écurie. J'avais initialement l'intention d'y assister depuis les installations Red Bull mais le retard pris sur le programme à cause du drapeau rouge qui s'agite depuis maintenant une heure m'a poussé à retrouver le monégasque dans l'un des salons VIP du circuit. Si cette semaine sur la Côte d'Azur avait pourtant bien commencée, elle a été bouleversée par les violents orages qui s'abattent sur la principauté depuis ce matin, retardant le départ de la course pour un temps encore indéterminé. Alors que nous sommes en train de discuter, je vois soudainement Arthur froncer les sourcils avant qu'il ne me fasse un signe de tête pour me dire de regarder de l'autre côté. Je détourne mon regard du pilote assis en face de moi pour poser mes yeux sur les écrans situés en retrait à ma gauche, qui diffusent en direct ce qu'il se passe dans les garages pendant cette interruption de course. Les caméras semblent figées sur Lando qui est en train de regarder fixement son téléphone, ses yeux balayant l'écran de gauche à droite comme s'il était en pleine lecture. Je sais pourtant que la lecture ne fait pas partie des activités appréciées par le britannique et m'interroge d'autant plus quand je vois l'air qu'il aborde. Il semble absolument bouleversé, comme s'il se retenait de ne pas éclater en sanglots au milieu de son équipe. Cela fait des années que je n'ai pas observé une telle détresse sur le visage du pilote et je sens instantanément une boule d'inquiétude grossir au fond de ma gorge. Je prie de tout mon cœur pour que sa famille aille bien et que ce ne soit pas une mauvaise nouvelle qui le mette dans un tel état.


- Il n'a pas l'air bien non ? me demande Arthur en chuchotant.


Je hoche simplement la tête, incapable de détacher mon regard de l'écran qui est toujours figé sur le pilote. Certes ils cherchent à montrer au public ce qu'il souhaite, mais je trouve cela un peu malsain de leur part de continuer à filmer Lando alors que sa détresse parait si évidente. Paradoxalement, cela m'arrange qu'ils le fassent car j'ai désespérément besoin de voir son visage se radoucir comme à l'accoutumé et d'observer son sourire reprendre place sur son visage pour rendre un peu de joie à ce monde. Mais ce n'est pas ce qui se produit. Au lieu de cela, le britannique relève la tête, l'air hagard et les yeux larmoyants, et se lève brusquement pour sortir de son garage, bousculant des mécaniciens qui se trouvent sur son passage. Mais qu'est-ce qu'il lui arrive ? Cela ne lui ressemble absolument pas de ne pas faire attention aux personnes qui l'entourent, surtout au point de les pousser, et encore moins de se précipiter en courant sous cette pluie battante. Les caméras extérieures ont dû prendre le relais car nous pouvons maintenant observer la course folle de Lando pour remonter la pit-lane.


Comme une étincelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant