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               Le lendemain matin, après s'être rendormie avec beaucoup de difficultés, Aileen se réveilla, pris son petit-déjeuner composé de noix, bananes, et corn-flakes, s'habilla rapidement après avoir brosser ses dents et pris sa douche, revêtit son bonnet et sortit de son appartement.

Elle ne dormait pas à l'hôpital – les médecins avaient dit qu'après son long séjour là-bas, elle était suffisamment en forme pour retourner chez elle. Or, elle pensait plutôt que la véritable raison était qu'elle était un cas perdu, et qu'il valait mieux laisser de la place à des patients qui avaient avec une chance de s'en sortir. Elle y allait néanmoins tous les jours.

Lorsqu'elle ouvrit le portail de l'hôpital pour faire les habituels contrôles, elle s'aperçut qu'elle avait 20 minutes d'avance. Pour faire passer le temps, et se sentant un peu fatigué, elle alla s'asseoir sur un banc dans le petit coin jeux. Un petit enfant jouait, l'air en bonne santé, les cheveux blond ardent coupés courts, des taches de rousseurs sur le nez, des fossettes sur les joues et des yeux bleus nordic. Il ne devait pas avoir plus de 6 ans. Que faisait-il donc là ?

10 minutes s'écoulèrent où Aileen l'observa s'amuser, en toute insouciance, courant après le ballon, monter sur le toboggan, avant qu'il ne vienne la voir.

« C'est quoi ton nom ?

- Aileen, répondit-elle, le sourire aux lèvres. Et toi ?

- Je m'appelle Michael, papa dit que c'est parce que maman adore l'artiste Michael Kackson. »

La façon dont Michael écorchait le nom du célèbre chanteur fit rire la malade.

« Et toi, tu aimes Michael Jackson ?

- Oh non, ça crie trop fort ! Surtout quand on écoute dans la voiture, je me bouche les noreilles !

- Et, quel âge as-tu, Michael ?

- 6 ans », répondit-il, très fier.

Aileen tourna la tête. Un homme d'âge mur venait de s'asseoir à côté d'elle. Il avait des cernes géants et arborait une mine effondrée.

« Mich, arrête d'embêter la madame !

- Oh non, ne vous en faites pas, votre fils, s'il est bien le vôtre, est adorable !

- Effectivement. Paul, enchanté, dit-il froidement.

Le dénommé Paul fixait ses pieds, l'air perdu. Quelque chose ne tournait pas rond, elle le voyait bien.

- Aileen, renchérit-elle, hésitante devant le comportement de l'homme. Pourquoi êtes-vous ici, si je puis me permettre ? Vous n'avez pas l'air dans votre assiette. Si je peux faire quoi que ce soit...

Le dénommé Paul eut un sourire triste.

- Oh, ne vous en faites pas. Mais ma présence en ces sinistres lieux l'est malheureusement pour bien des choses, effectivement. Ma femme, sa mère, est décédée ce matin.

- Oh, fit-elle ne sachant pas quoi dire. Je... Toutes mes condoléances.

- Merci. Je... Nous savions tous deux depuis longtemps déjà que c'était peine perdue, mais maintenant que l'impensable est arrivé... Mais, elle souffrait tellement ! C'est peut-être mieux pour elle, en fin de compte. »

Aileen, qui n'avait jamais été très douée en sociabilité ne sut pas quoi dire et un silence très gênant s'installa.

« Et, sans vouloir être indiscrète, qu'avait-elle ? finit-elle par dire.

- Sida. Et vous qu'avez-vous ?

- Cancer. Vous savez, vraiment, si je peux faire quoi quoi ce soit n'hésitez pas, vraiment. J'ai parfois besoin de me rendre utile, vous voyez. »

Il hocha doucement la tête. Les deux adultes regardaient Mich jouer sur la balançoire. Soudain, Paul s'enfonça la tête dans ses mains, en pleurs.

« Je... je ne sais pas comment lui annoncer. Ils étaient tellement proches tous les deux... Je ne sais pas si je pourrai lui dire. Peut-être que sa tante devrait le faire ? J'aurai dû me préparer, mais c'est... c'est tellement dur !»

Aileen était vraiment perdue. Que devait-elle faire ? Le conseiller ? Lui passer le bras sur les épaules ? Lui donner le numéro de sa psy ? Ne rien faire ?

« Vous devriez peut-être attendre qu'il en parle ? Lui expliquer tranquillement, chez vous ?

En parlant du loup, le petit garçon arriva et sauta dans les bras de son père.

- Papa, on va voir maman maintenant ? Pourquoi tu pleures papa ?

- Ne t'en fais pas mon chéri. Mais Mich, on doit parler de maman. »

L'enfant eu une mine circonspecte.

Paul se leva, essuya une larme, Michael dans les bras, jeta un dernier regard à Aileen suivit d'un ''merci'' silencieux, et s'en alla.

* * *

Après le rendez-vous, rien n'avait changé, rien de positif, rien de négatif. En rentrant chez elle, sur le chemin du retour, elle repensa au petit garçon Mich.

Elle aurait pu être mère. Mais elle était trop jeune.

Il l'avait invité, elle et des amis, chez lui. C'était la dernière soirée d'université. Ils avaient bu, ça ne s'était pas passé comme prévu. Ils étaient, tout les deux aller dans sa chambre. Ils gloussaient sous l'effet de l'alcool.

Elle avait un avenir.

À ce moment là, elle avait cru passé la meilleure heure de sa vie, avant qu'ils ne se disputent violemment, et surtout qu'il la gifle.


Et s'il avait eu son visage, celui de son père ?

Son ventre grossissait de jours en jours. Elle l'avait remarqué trop tard. L'avortement n'était plus possible. Elle se cachait sous de larges tee-shirts, faisait semblant d'avoir ses règles. Personne n'était au courant.

Elle n'aurait pas eu les moyens.

Le test de grossesse retrouvée dans la poubelle par sa mère. Elle qui entrait dans la chambre de sa fille, furibonde. Elle et lui, qui, croyant profondément en leur Dieu, leurs croyances qui interdisaient toute vie sexuelle hors mariage, l'expulsaient froidement de la maison, lui donnant cinq minutes pour prendre ses affaires.

Elle était perdue, elle ne voyait plus rien.

Aileen qui les suppliait, leur demandait pardon à genoux, tandis qu'ils refermaient la porte et la laissaient sur le palier. Avaient-ils le droit ? Elle était majeure, mais, comment, ces parents qu'elle chérissait, pouvaient-ils lui faire ça ? Comment ?


Elle n'était pas prête.

La nuit était tombée depuis une heure déjà, elle marchait seule, terrifiée, mortifiée, la main sur son ventre, elle avait froid, elle s'était perdue, des hommes soûls avaient commencé à la suivre, elle les avait semés.

Elle avait trop peur. Elle avait versé trop de larmes.

Une ancienne amie l'avait hébergée pendant un mois avant qu'elle ne parte au Brésil. Démunie, sans logement, enceinte de plus de 5 mois, Aileen s'était retrouvée à l'hôpital pour dépression. Lorsqu'en février, le bébé était arrivé en avance, elle avait pris sa décision. Elle ne le garderait pas. Elle ne le vit qu'une seule fois.

Elle était malade.

Quatre mois plus tard, elle était sortie de l'hospice et avait commencé à chercher du travail. D'abord comme femme de ménage, mais elle avait ensuite trouvé un poste de manageuse venu d'une femme incroyable, sa protectrice pendant plus de 10 ans. Malheureusement, elle avait déménagé 6 ans plus tard, et bien qu'elle ait pu conserver son emploi par le nouveau patron, ce n'était plus la même chose.

Elle n'avait pas à s'en vouloir. Vraiment ? Mais s'il n'avait jamais été adopté ?

Pourquoi ne l'avait-elle pas gardée ? Avait-elle pris la bonne décision ?

De toute façon, quoi qu'il arrive, Aileen avait toujours l'impression de ne faire que des mauvais choix. 

Et, elle déploya ses ailes, et s'envola // HISTOIRE CORRIGÉE, TERMINÉE.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant