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Aileen Tigarce Séance n°41

« Bonjour Aileen, comment allez-vous ?

- Ça va, merci.

- Comme vous pouvez le voir, Aileen, j'ai un nouveau microphone, après qu'il se soit cassé en plein milieu de la séance dernière, je me suis empressé d'aller en chercher un autre.

- Je vois ça.

- ...

- ...

- Vous n'avez pas l'air dans votre assiette, je me trompe ?

- Non.

- Allez-y. Dites-moi tout. Je suis là pour ça et vous le savez très bien. Que se passe-t-il ? Les cauchemars continuent ? Votre sensation d'isolement s'agrandit ? Avez-vous fait une rencontre, entendu quelque chose ?

- J'ai... Je... Les cauchemars sont toujours là, ils ne diminuent pas, malgré tout ce que je fais pour me distraire. Je dors de moins en moins, fais de plus en plus d'insomnies.

- D'accord. Avez-vous essayé toutes les techniques que je vous ai apprises ?

- Oui.

- Toutes ? Les infusions, le journal des bons moments, les masques, et même les cachets apaisants ?

- Oui.

- Dans ce cas, ce n'est plus que jamais dans votre tête. Il faut vous libérer ! Je sais que ce n'est pas très psy de votre point de vue, mais c'est vrai ! Il faut que vous chassiez les mauvaises pensées, que vous vous libériez ! Vous n'êtes pas coupable de ce que vous subissez, vous n'avez pas mérité ce qui vous arrive.

- ...

- Avez-vous essayé le magasin que je vous ai conseillé ?

- Non et je ne compte pas y aller.

- Et pourquoi ?

- Je... je crois que... il y a des choses plus importantes dans la vie, lorsqu'on sait que... nous en avons plus pour très longtemps, que d'aller dans un magasin où ton visage se reflète partout avec tes semblables.

- Aileen, je crois que je comprends. Vous vous sentez coupable. Ça se voit sur votre visage. Vous ne pouvez pas dormir avec tant d'ondes négatives ! Dans ce que vous venez dire, on dirait que vous devez vous concentrer sur quelque chose, une erreur que vous avez faite. Racontez-moi tout. Vous verrez, la parole fait du bien, se confier apaise.

- Non... non, ce... ce n'est pas intéressant.

- Aileen ! Ici, la question intéressant ou pas intéressant ne se pose pas, oh non ! Je vous en prie, parlez, je vous écoute. Je suis là pour ça, pour rester à vos côtés quoi qu'il en coûte ! Je ne vous jugerai jamais !

- Je... Très bien. Le dernier jour de l'université, un étudiant populaire, Elliott Somaine avait organisé une fête. Nous avions beaucoup bu, et... je ne sais plus comment mais je me suis retrouvée dans sa chambre. J'étais consentante bien sûr, je l'aimais ! Mais ce n'était qu'une aventure, rien de plus, même pas une étape, juste un agréable moment, du moins avant que l'on ne se dispute.

- Prenez votre temps.

- Il... Ce soir là, je suis tombée enceinte de lui. Je n'ai jamais eu le courage de lui dire, je ne n'osais même plus croiser son regard. Quand mes parents ont découvert l'arnaque, je... ils m'ont chassé de la maison. Je me suis retrouvée à la rue. J'avais 25 ans, et pas un sous. Je me suis trouvé une place dans un hôpital en attendant que le bébé naisse. Et...Je... je suis dé...désolée...

- Non, non, surtout pas ! Pleurer fait du bien, toujours, allez-y !

- ...

- ...

- Et... je l'ai abandonné ! Et maintenant, je vais mourir, seule, sans personne...

- Aileen, à l'époque, vous n'étiez pas en situation d'élever un enfant. Vous seriez peut-être à la rue, à l'heure qu'il est ! Vous n'avez pas à vous en vouloir !

- Je sais ! Mais, c'est plus fort que moi...

- Mais cependant, je ne comprend pas pourquoi vous ne m'en avait jamais parlé... Qu'est-ce qui vous en empêchait ?

- Je... Sincèrement, je ne sais pas, mais je ne suis pas quelqu'un qui se confie facilement...

- Vous pourriez essayer de le retrouver.

- Comment ?

- Vous pourriez essayer de le retrouver.

- Je... je ne comprend pas.

- Vous pourriez faire des recherches pour tenter de retrouver votre enfant. Lui avez-vous donné un nom ?

- Je vous interdit ! Je ne veux pas le retrouver !

- Et pourquoi ?

- Je ne sais pas.

- Réfléchissez-y Aileen. Cela fait une heure. Notre rendez-vous est terminé. À samedi. »

* * *

Les bruits de couverts s'entrechoquant pour toute compagnie, Aileen dînait seule, comme à son habitude.

Elle repensait aux paroles de la psy. « Vous n'avez pas mériter ce qui vous arrive... » Si, elle l'avait mérité. Elle aurait même dû, à son avis, souffrir encore plus.

« Vous pourriez faire des recherches pour tenter de retrouver votre enfant. Lui avez-vous donné un nom ? »

« Je vous interdit ! Je ne veux pas le retrouver ! »

« Vous pourriez faire des recherches pour tenter de retrouver votre enfant. Lui avez-vous donné un nom ? »

« Je vous interdit ! Je ne veux pas le retrouver ! »

« Je vous interdit ! Je ne veux pas le retrouver ! »

« Je vous interdit ! Je ne veux pas le retrouver ! »

« Je vous interdit ! Je ne veux pas le retrouver ! »

« Je vous interdit ! Je ne veux pas le retrouver ! »

Mais... pourquoi avait-elle réagit si vite, si brusquement ? Peut-être parce que ce nouveau choix était sorti, comme ça, de la bouche d'une femme qui la connaissait à peine ? Peut-être parce que, sur le coup, elle avait trouvé ça impossible ? Peut-être car elle avait trouvé déplacé de faire cette proposition ( après coup, Aileen trouvait que ça ne l'était plus. ) ?

Tout ça pour dire que, désormais, cette solution était pour elle plus que réalisable.

Elle était sûre d'elle, elle ne savait pas pourquoi alors que c'était sûrement la chose la plus dure qu'elle ferait de sa pauvre petite vie.

Elle devait le faire.

Elle allait le faire.

Retrouver son fils. 

Et, elle déploya ses ailes, et s'envola // HISTOIRE CORRIGÉE, TERMINÉE.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant