28- « Qui a REJETÉ son démon nous importune avec ses anges. » Michaux

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17 ans.

C'était le nombre d'années pendant lesquelles Aaron avait connu une normalité. Désormais,  il y avait l'avant et l'après Geslan-Miverpa.
Il avait connu une mère aimante, une maison aimante. Il ne comptait plus son père, décédé prématurément, dans l'équation. Ça lui évitait de recaser le passé. Ça lui évitait de souffrir.

Aaron repensait au petit garçon joyeux qu'il avait été. Son esprit vif lui permettait de se rappeler la plupart de ses souvenirs. Il remontait à divers moments de sa vie. Il revoyait le parc du quartier dans lequel sa mère avait l'habitude de l'amener après la maternelle. Son innocence était encore palpable, comme s'il avait vécu hier. Il ressentait encore vivement l'étreinte de Vicky à l'instar de ses mèches de cheveux châtains qui chatouillaient son petit front lorsqu'elle le prenait dans ses bras. Pendant qu'il pleurait pour une petite égratignure ou parce qu'on lui avait tiré les cheveux dans le toboggan, son père arrivait et ils rentraient tous ensemble pour le diner.

Les années les plus heureuses de sa vie.

Ces années s'étaient terminées à partir du jour où, en primaire, son père n'était pas venu au parc. Ça ne lui était jamais arrivé.

Aaron n'oublierait jamais les larmes qui avaient rempli le regard marron de sa mère sur le chemin du retour. Ils avaient joué pendant des heures au parc. Et sur le chemin du retour, elle était restée silencieuse tout le trajet. Le dîner avait été aussi silencieux, Vicky était éteinte et offrait des sourires de façades. À l'époque, Aaron ne comprenait pas, il s'était dit qu'elle avait passé une mauvaise journée. Il avait pensé que ses parents s'étaient disputés. Ça leur arrivait peu mais ses copains d'école parlaient de séparation et de disputes. Aaron se rappela même avoir pensé qu'il avait fait quelque chose  de mal. Il n'était pas encore turbulent mais il n'avait pas comprit ce silence. Pour la première fois, il avait réalisait à quel point une maison à deux pouvait sembler vide.
Finalement, il l'avait su moment du coucher.
Après cette annonce, rien n'avait été pareil.
Aaron ne gardait pas de souvenir de l'enterrement. Il avait été plongé dans une brume et n'avait cessé de se demander pourquoi. Pourquoi lui? Pourquoi son père ? Pourquoi leur famille? Pourquoi sa mère devait il vivre ça ?
Pourquoi ?

Même si Vicky avait gardé un sang-froid perpétuel en retrouvant son sourire, Aaron avait perdu le sien. Son vrai sourire. Il avait tenu le coup grâce à elle mais une partie de lui était décédée avec son père.

Vicky était une mère formidable. Ce doux souvenir apaisa un peu son esprit tourmenté à l'instar de ce qu'il avait en face de lui.

Observant le panorama, Aaron était en pleine réflexion, ruminant sur sa vie auparavant.

Ed n'avait pas menti. Son endroit secret était magnifique. De nuit, Aaron distinguait les points lumineux à divers endroits, formant une maquette d'étoiles devant lui. Geslan-Miverpa scintillait en cette douce nuit et ce tableau irréel le poussait à questionner sa normalité.

Qu'était devenu sa vie ?

Comment tout avait pu changer drastiquement en une semaine ?

Il ne l'acceptait pas et ne l'accepterait pas.

La seule vie qu'il avait toujours connue se trouvait auprès de sa mère et de son cousin.

Il ressentit un profond désarroi envers eux, car ce sentiment d'appartenance envers Lucy était incontrôlable. Aaron avait su la première fois qu'il avait posé les yeux sur elle. Ce coup d'électricité, il l'avait senti. C'était comme respirer avec 100 % de ses capacités pulmonaires. Comme si tout ce temps, il avait été à moitié en apnée. Ce n'était pas un sentiment ni une sensation. C'était une affirmation qui émanait du fond de ses entrailles. Et maintenant, cela prenait encore plus de sens avec l'annonce de Vilmon.

LUCY KEITH I - Le fil rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant