3 - « L'intelligence, c'est la faculté d'ADAPTATION» - Gide.

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Lorsqu'ils eurent posé les yeux l'un sur l'autre, difficile de ne pas rester accrochés. La ressemblance induisait même Lucy à penser qu'elle l'avait déjà vu, mais ça n'aurait pas eu de sens. Après tout, elle connaissait son propre visage depuis dix-sept ans et ce jeune homme lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, de quoi l'embrouiller encore plus.

À cet instant, Lucy pensa au fait que Vicky avait peut-être raison. Elle venait de rencontrer l'un de ses sept clones dans le monde.

Tous deux possédaient une chevelure épaisse et auburn. Lucy portait une longue masse aux boucles resserrées ruisselant jusqu'en bas de son dos. Aaron arborait de longues boucles qui ondulaient jusque dans sa nuque. Il avait une masse assez fournie pour faire une demi-queue de cheval. La vivacité de cette couleur faisait qu'elle était particulièrement reconnaissable, et elle oscillait parfois entre le blond vénitien et le cuivre. La couleur de leurs prunelles resplendissait également d'un même éclat gris profond, se découpant harmonieusement sur leurs teints délicatement dorés. Bien-sûr, si l'on regardait mieux, Aaron avait les iris légèrement plus foncés que ceux de Lucy, qui les avaient davantage plus translucides et entourés par de longs cils bruns. Le grain de beauté sous l'œil droit était aussi là, leurs nez droits étaient les mêmes, et leurs lèvres semblaient prendre la même forme moyenne, avec une teinte de la lèvre supérieure légèrement plus foncée.

Seuls le corps et le genre les différenciaient. Lucy était svelte et sportive, tandis que le garçon en face d'elle était un peu plus athlétique et élancé et dominait le mètre quatre-vingt-quinze de Lucy d'au moins une demi-tête. 

— Ah bah ça alors, décréta le jeune homme à côté d'Aaron.  Vous vous connaissiez dans une autre vie ou quoi? Moi, c'est Jonathan, enchanté de te connaître, bienvenue dans notre humble demeure. Je suis le neveu de Vicky.

Jonathan était aussi grand qu'Aaron, mais seul le jeune homme qui lui serrait la main l'intimidait.

— Merci rétorqua-t-elle doucement. Lucy.

Lorsque Jonathan décocha un nouveau sourire, elle comprit pourquoi il l'intimidait autant. Dans ses yeux ambre dansait la chaleur de deux soleils s'accordant avec son teint hâlé nourri par la saison estivale.  Il y avait une ressemblance frappante avec Vicky dans cette expression bienveillante et son sourire. Son visage aux traits doux était encadré par ses cheveux châtains en bataille.  Bien qu'elle semblât happée par Jonathan, elle finit par sentir le poids d'un regard. Celui d'Aaron.

— Aaron ? Tu ne dis pas bonjour ?

Aaron n'avait rien dit. Il se trouvait derrière Jonathan et observait Lucy avec une telle insistance que cette dernière se demanda s'il ne s'était pas arrêté de respirer ou si ses yeux n'étaient pas juste coincés. Son air farouche et dédaigneux transparaissait comme des lames de couteau à Lucy.

— Aaron ! S'exclama Vicky.

Son regard vitreux parut reprendre toutes ses facultés et il sursauta légèrement lorsque sa mère prononça son nom, se tournant vers elle, offusqué de s'être fait crier dessus.

— Qu'est-ce que tu attends pour dire « bonjour » ? Répéta-t-elle cette fois-ci plus agacée. Et ne me lance pas ce regard.

La mine de Vicky était moins aimable que tout à l'heure, elle avait définitivement pris sa casquette de mère et Lucy décelait déjà chez Aaron et Vicky un caractère bien affirmé.

— Salut, dit-il monotone.

Il avait l'air moins amical que Jonathan, qui l'affubla d'un regard appuyé quant à la manière dont il se comportait. Lucy était-elle la seule à ressentir cette atmosphère particulière ? Ce fut comme une sensation palpable au niveau du ventre, comme de la chaleur qui aurait pu être douloureuse si cela avait duré plus d'une demi-seconde. En réalité, c'était peut-être le manque d'investissement d'Aaron qui lançait un voile d'embarras dans la pièce lumineuse.

LUCY KEITH I - Le fil rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant