Prologue de ma Renaissance

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L'Âme flottait.

Une lumière aussi éblouissante qu'opaque l'entourait, presque entêtante. Son ombre vaporeuse semblait se perdre au loin. Elle sentait des présences. Beaucoup. Dans ce monde saturé, le vide se remplissait, la lumière obscurcissait les esprits, les ombres ne finissaient pas, et le temps s'arrêtait.

L'Âme diffusa sa faible clarté un peu plus intensément, pour se montrer et qu'on vienne l'aider. Son immaculée conscience tournoya d'impatience dans la sphère d'énergie transparente qui l'entourait et la protégeait. Grâce à ce frêle globe qui faisait la taille d'une fourmi et de l'univers entier, elle se sentait à l'abri. Sa survie dépendait-elle vraiment d'un simple bout de verre spirituel ?

L'esprit se concentra et dégagea une lumière plus forte. Elle voulait sortir d'ici. Un mur invisible l'empêchait de rejoindre l'autre côté, celui de la Vie. Pour se réincarner, il fallait cependant qu'elle l'atteigne. Le tout pour le tout, comme disaient souvent les personnes qui l'avaient entourées jadis.

L'Âme prit le temps de rassembler son peu d'énergie et força le passage. Une force immense l'obligeait à se déplacer avec lenteur malgré tous ses efforts, ce qui l'obligeait à se cogner contre la surface dure de ses congénères.

Autour d'elle, c'était la panique. Le monde s'affolait : en voulant rejoindre la vie coûte que coûte, repoussement, violence et cacophonie silencieuse envahissait l'espace. Mais personne ne savait qu'un esprit s'appliquait à faire régner cette ambiance oppressante. Personne hormis les deux Âmes qui venaient de franchir la Mort : celle qui tentait de se montrer en rayonnant tant bien que mal, et Nayel.

Du vent froid, glacé, l'entraina soudainement vers le fond. La lumière autour de l'Âme devint grise, s'estompa. Un vide se formait dans son esprit. On l'abandonnait, la privait d'attention, de... de quoi ? Elle ne savait déjà plus.

Elle mourait.

Non... La lumière, elle voulait de la lumière. Elle se raccrocha désespérément à quelque chose. 

Un souvenir, il lui restait un petit souvenir tout au fond de sa mémoire. Flou, noir, taché de sang. Un visage apparu. Un garçon d'une quinzaine d'années. Une longue balafre rougeâtre lui barrait la tempe, et des perles transparentes ruisselaient de ses yeux sur le velours de ses joues sales.

Il criait vainement un nom, sans personne pour l'entendre ou lui venir en aide. L'Âme avait déjà vu ce garçon. Il y a longtemps. Ils avaient tant parcouru de chemins ensemble qu'elle ne pouvait l'oublier. Et elle le reconnut.

Elle eut soudain envie de pleurer des larmes, des larmes qu'elle n'avait plus. On les lui avait enlevées.

Alors elle hurla, hurla son désespoir, sa peur, sa solitude, son déboussolement, son angoisse et son inquiétude. Sa rancœur, sa colère, sa haine et sa crainte. Son égarement, sa bêtise, son absence, sa faute, sa faute, sa faute... tout ce qui se passait, c'était sa faute. L'accablement qui l'envahissait petit à petit la submergea, et c'en fut trop.

L'Âme abandonna.

Elle se laissa entrainer vers le vide éternel.

Le Chant des Âmes fantômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant