9 . Rokma

7 3 4
                                    


Ils marchaient rapidement, voulant réduire le plus vite possible la distance qui les séparait de l'appartement de Flowen. Ce maudit caddie était trop bruyant au goût d'Elionn. Les petites roues raclaient le sol et tournaient si rapidement sur elles-mêmes qu'elles paraissaient sur le point de sauter de leur support d'un instant à l'autre. La carcasse de métal s'ébranlait violemment à chaque déformation du bitume.

Quelques grognements lointains faisaient frissonner les cœurs fatigués. Ils pouvaient voir les feux de camp des Reïkenn entretenus jour et nuit s'élever vers le ciel noir, comme pour donner un repère aux monstres qui s'aventuraient plus loin afin de massacrer tous les humains qu'ils croisaient.

Elionn lorgna son groupe d'un œil critique.

Son frère et Charly discutaient à voix basse, s'occupant de traîner le créateur de boucans. Ils s'entendaient plutôt bien et n'avaient pas tardé à faire connaissance. Louna bailla et posa mollement sa tête contre l'épaule de Enzo. Elle restait discrète, s'était ouverte aux questions et entretenait une forte amitié avec tout le monde, mais elle restait inlassablement liée à son père. Le jeune homme se demanda comment allait être son état s'il arrivait quelque chose à celui qu'elle aimait si fort.

Flowen mastiquait un bout de son affreux chocolat aux cranberries, tout entier à ses pensées. Elionn avait été surpris d'apprendre qu'il avait perdu son fils, mais n'osait pas demander comment et pourquoi. Ainsi, il s'appelait Flowen Angst et était en deuil.

Et puis il y avait Oria...

Cette fille était à la fois un puit d'énergie et de gentillesse et un esprit tourmenté par des rêves étranges qui peignaient parfois son visage de couleurs tristes et fatiguées. Elle semblait cacher quelque chose de terrible, comme si elle en savait plus que lui sur ce qui se passait. Il devait la fixer avec un peu trop d'attention puisqu'elle le remarqua :

- Qui a-t-il ? rigola-t-elle. J'ai une feuille dans les cheveux ?

Elionn sursauta et bafouilla quelques mots maladroits à propos de sa coiffure puis se reprit rapidement :

- Pourquoi un tournevis édenté ?

C'est pas vrai, je peux pas dire un truc de censé, pour une fois ? Il faut toujours que je dise n'importe quoi...

Mais Oria se mit à rire d'un éclat joyeux et tellement adorable, avec ses yeux à demi fermés et ses pommettes toutes rondes. Ses lèvres s'étiraient en un sourire ravi dévoilant ses dents blanches et laissaient s'échapper une douce mélodie qui réchauffa le cœur de Elionn. S'il arrivait à la rendre heureuse, alors il voulait bien passer pour un clown. Il enchaîna aussitôt avec des plaisanteries qui le faisaient lui aussi s'esclaffer, et ils partirent dans une battle de blagues, à laquelle s'ajoutèrent James et Charly.

Ils allaient atteindre la porte de l'immeuble, lorsqu'un vrombissement qui ressemblait plus au ronronnement d'une panthère, résonna dans l'air glacé du soir. Il venait du haut d'un édifice, et comme pour l'accompagner, plusieurs petits blocs de béton tombèrent aux pieds de Louna.

Ils s'immobilisèrent et levèrent la tête vers l'origine du bruit, constatant avec angoisse la présence d'un Reïkenn beaucoup plus grand que les autres, encadré de trois autres monstruosités un peu plus petites qui les observaient du sommet du bâtiment.

La crinière du plus colossal était coiffée en une multitude de tresses ornées de bijoux dorés, et Elionn reconnut le meneur de l'attaque à la télévision. Il avait malheureusement toujours son immense machette qui faisait presque sa taille à la lame parsemée de crochets de métal sur son tranchant.

Le Chant des Âmes fantômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant