Le Chant des Âmes fantômes

11 . Un tambour dans le vide

Un bruit.

Non. L'absence de bruit.

Oria ouvrit les yeux. Les sons, si faibles soient-ils, étaient toujours présents.

Mais pas maintenant. C'était cela qui l'empêchait de dormir.

Elle se leva dans son duvet. James s'était collé à elle dans son sommeil, et Oria ne put que le trouver adorable. Tout le petit groupe dormait paisiblement, Louna, son père et Charly dans le lit, le propriétaire des lieux dans son hamac, Elionn par terre dans un sac de couchage, elle et James sur le canapé. Les corps dégageaient une chaleur presque étouffante.

Le manque de lumière obligea la jeune fille à plisser les yeux lorsqu'elle leva la tête vers Flo. La porte de la chambre était ouverte. Il ne ronflait plus.

Il ne bougeait plus.

Inquiète - tout en se disant que s'il dormait, c'était normal qu'il ne bouge pas - Oria se leva le plus doucement possible et s'approcha de son hamac. Elle monta sur le bord du lit et se hissa au-dessus du tissu tendu entre deux murs.

Il était toujours là, mais son thorax ne se soulevait plus au rythme de sa respiration. Il n'y avait plus le petit tremblement qui indiquait que son cœur battait. Son expression figée laissant croire qu'il faisait un cauchemar, ses cheveux en bataille et sa position recroquevillée laissait à penser qu'il était mort pendant son sommeil.

L'adolescente se rassura : il était déjà mort, si son corps virtuel ne vivait plus, alors sa conscience était à Elros, avec son Âme. Mais elle avait encore des questions. Elle ne voulait pas en parler avec les autres, aussi elle avait attendu que tout le monde dorme. Elle le secoua.

Si fort qu'il en tomba par terre avec fracas.

- Ça va pas ? lâcha-t-il un peu trop fort à son goût.

- Désolé ! Mais tu ne respirais plus, et j'ai eu peur.

Quelle excuse bidon. Flo leva les yeux au ciel en grognant une insulte que Oria aurait préféré ne jamais entendre.

- C'est pour m'avoir traité d'hypocrite. Euh, on peut aller parler dehors ? demanda-t-elle en voyant Louna s'agiter.

Le vent nocturne lui fouettait le visage de ses bourrasques irrégulières. Le froid mordant lui tirait des larmes au coin des yeux, sans qu'elle sache si c'était la température ou l'émotion. Une fine ondée rendait le paysage flou, brumeux.

Comme ses pensées.

La nuit s'était emparée de la ville depuis longtemps déjà, apportant avec elle son armée d'ombres et de mystères. Cachant le moindre recoin, voilant le plus petit renfoncement, ne laissant que les vastes espaces découverts aux prises de la lumière de la lune et des étoiles, ses éternelles ennemies.

Oria déambulait dans une cité envahie par les ténèbres. Flo marchait à ses côtés, beaucoup plus silencieux qu'elle malgré tous ses efforts pour rester discrète.

Il s'assirent sur un banc et le Voleur d'Âmes s'écarta le plus possible, en fixant la jeune fille d'un regard suspicieux. Il fourra ses mains dans les poches de la veste en jean qu'il avait enfilé, et renifla très bruyamment.

Maintenant qu'ils étaient sortis, l'adolescente se sentait un peu gênée en présence d'un adulte, qui de plus, était mort. Elle ne savait pas vraiment comment aborder la question qui lui brûlait la langue.

Son interlocuteur, ne semblant pas être pressé, ne l'aidait pas beaucoup à s'exprimer. Il sortit même un portable intact et se mit à pianoter, dans un concert de sons de touches, ressemblant à l'intonation d'une pluie de gouttes d'eau sur une pierre.