3 . Morts en chaine

37 7 18
                                    

Bon et maintenant, on fait quoi ?

    Oria, sa mère, et les voisins de palier de son étage étaient dans la cave de leur immeuble depuis maintenant trois bonnes heures.

    Le couple qui habitait juste en face de l'appartement de la jeune fille n'avait pas arrêté de prévoir une fin du monde atroce en faisant de grands gestes, achevant le moral des résidents et leur espoirs de sortir.

    Owen (c'est comme cela qu'il s'était présenté), avait interrompu les responsables de la confusion générale, en profitant de son temps de parole pour rappeler les règles d'urgence.

    Écouter la radio pour se tenir au courant, rester calme, ne pas céder à la panique, suivre les instructions de cette radio, les appliquer à la lettre...

    Oria souffla fortement par le nez. Elle était assise sur une chaise, le menton posé sur ses genoux, et était en proie à une violente envie de somnoler. Ses paupières se faisaient de plus en plus lourdes.

    Mais elle ne voulait pas. Dormir signifiait avoir d'autres rêves terrifiants dans lesquels elle était toujours la fautive.

    Owen était le chef de service du groupe d'agents de police qui étaient présents dans la cave. Ils étaient allés sonner à tous les paliers afin de faire évacuer les résidents et de les conduire dans un lieu sécurisé. Apparemment, les créatures s'en prennaient aux constructions extérieures, donc il n'y avait rien à craindre sur la fiabilité de leur cachette de fortune.

    Oria frissonna. Une révélation terrible se frayait un passage jusqu'à son cerveau fatigué.

    Dans l'une de ses funèbres visons, celle où l'inconnu l'appelait sans qu'elle montre un seul signe de pitié, il semblait souffrir à cause d'une blessure étrange. Avec horreur, l'adolescente ferma les yeux et tenta de se concentrer sur l'image qu'elle se faisait, le plus fidèlement possible, de ce tableau d'épouvante.

    Soudain, une bourrasque brûlante lui mordit les membres. Oria releva précipitamment la tête et faillit tomber de sa chaise.

Oh non, non, NON ! Pas une autre vision !

    La cave avait fait place à un paysage délabré. Le ciel gris de cendres rendait l'air étouffant, faisant tousser l'adolescente en grattant ses poumons fragiles. Au loin, elle distinguait des silhouettes ressemblant étrangement aux monstres de sa ville, qui se battaient férocement contre des guerriers humains aux allures médiévales. Ils devaient être au moins une centaine.

    Le sol caillouteux était comme fracturé en de grandes plaques, entre lesquelles se mouvait une lave épaisse qui coulait directement de sa source naturelle.

    Oorsprong s'était réveillé.

Le volcan crachait une fumée noire et toxique, vomissait de la roche en feu qui dégoulinait le long de son ossature de pierre, et régurgitait d'immenses blocs rocheux qui venaient s'écraser lourdement autour de sa grande carcasse.

    Mais il n'était pas entré en éruption à cause des sautes d'humeur des Terres d'Azénor : planté dans la roche, à quelques centimètres d'Oria, le bois d'une longue lance dépassait d'une toile d'araignée dont les filaments étaient de la lave en ébullition.

    La jeune fille devina avec effroi que c'était elle qui était à l'origine de l'éruption d'Oorsprong. Son regard effaré se posa sur le corps d'un homme rampant dans sa direction. L'inconnu aux yeux verts la fixait avec incompréhension.

    Non,  pas encore lui !

Il tentait de se rapprocher d'elle en traînant faiblement son corps mutilé. De longues griffures avaient réduits son dos en charpie, et une flèche dépassait de son épaule démise.

Le Chant des Âmes fantômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant