4 . Ce que l'on ne peut voir...

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    La nuit était sombre. Quelques étoiles et le minuscule croissant de lune dans l'infini du ciel diffusaient une trop faible clarté pour y voir. Les lampadaires s'étaient presque tous éteints. La brume se déplaçait doucement avec la petite brise qui soufflait. Les décombres de la ville finissaient de désoler le paysage.

    L'électricité marchait encore, et une ampoule les éclairait. Elle était censée être au plafond, mais ce dernier était tombé sur une poutre, faisant office de mur penché. Elionn avait peiné à déplacer toutes sortes de débris pour les camoufler.

    Demain, j'aurai certainement des courbatures...

    Mais je fais ça pour James, se motiva-t-il.

    Il avait dû aussi trouver des couvertures pour dormir confortablement. Même aidé par James, son frère, cela avait pris une bonne partie de la nuit. Sans compter l'adolescente qu'il avait fallu porter jusque-là. Ils l'avaient trouvée dans un terrible état de choc. Il faut dire qu'elle était la seule survivante de son immeuble.

    La façon dont elle l'avait fixé, d'un air déterminé l'avait perturbé. Comme si elle le connaissait déjà...

    Il n'avait jamais vraiment eu de succès avec les filles en général, ses amis ne se gênaient pas pour le lui rappeler au quotidien. Elionn se passa la main dans ses cheveux mi-blonds mi-bruns et souffla bruyamment.

    On est fichu.

Le jeune homme s'était hissé sur un bout de mur délabré, et avait ainsi une vision périphérique sur leur camp improvisé, et sur la lueur des feux de camp des monstres. Il y en avait vingt trois (oui, il avait compté), et chacun regroupaient certainement plusieurs groupes de créatures aux allures de lion ainsi que leurs armes bien aiguisées.

   - C'est moche.

    Elionn se retourna brusquement. Lorsqu'il reconnut Enzo, il recommença à respirer. Il était un peu tendu en ce moment, ce qui était totalement compréhensible.

    Enzo grimpa à ses côtés et le domina de ses un mètre quatre-vingt. Il posa un regard dur sur le cadavre de la ville qui l'avait accueilli, lui et sa famille. Il était le seul adulte que Elionn et son frère avait rencontré. En voulant sauver sa fille, Louna, il s'était pris une méchante blessure en travers du torse. Même si la plaie avait arrêté de saigner grâce aux bandages provisoires, il ne se sentait visiblement pas en état de faire beaucoup d'effort. Louna avait treize ans et était née le même jour et la même année que James et Charly. Ce dernier les avait rejoints il y avait à peine quelques heures, tout en larmes.

    Pas d'autres traces de vie depuis.

    Autant dire que leur survie était incertaine.

    Même si les monstres géants qui avaient terrassé la ville ne se montraient plus, des rugissements et des cris lointains rappelaient leur présence. Elionn avait du mal à comprendre tous les évènements qui s'étaient passés. Ou plutôt, à les accepter.

    Ses parents, ses amis, sa maison et la routine qu'il suivait depuis si longtemps, avaient disparu. Tout était arrivé si vite, il avait du mal à réaliser ce qui se passait. Et c'était sans doute mieux ainsi. La mémoire est une merveille qui préfère un joli mensonge plutôt que d'affronter la dure vérité.

 Mais plus il y pensait, plus il en doutait.

   - Ils sont forcément là pour quelque chose.

 L'adolecent se tourna vers Enzo.

   - Il y a toujours une explication à tout. Et une solution. Je suis persuadé que personne, homme ou lion, ne peut naître sans cœur.

 Il garda un instant le silence.

Le Chant des Âmes fantômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant