L'ampoule pleure

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Le Soleil se consume, et c'est là sa plus grande faiblesse. 

Alors quand vous m'appelez "Soleil", comment dois-je réagir ? Dois-je me réjouir de ma brillance ? Ou au contraire m'inquiéter de ce qui m'arrivera ? 

La Lune, elle, n'a pas ce problème. Elle ne brille que lorsqu'elle croise un Soleil et ne vit pas avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Elle vit et ne meurt jamais, même si elle est parfois éteinte aux yeux des autres. 

Combien de fois ai-je tenté d'être la Lune ? Toutes mes tentatives restaient soldées par des échecs pathétiques. Dès que je ne rigolais pas, on me demandait si j'allais bien. Oui, évidemment que je vais bien. Dès que je pleurais, on me regardait bizarrement parce que je ne pleure jamais, ou du moins jamais en face des autres. J'étais forcée à reprendre éternellement mon rôle de lampadaire joyeux, heureux de tout ce qu'il voyait et de tout ce qu'il entendait, même quand on lui crachait dessus. "Je ne m'abaisse pas à leur niveau", "ça ne me fais rien". Cela résume assez bien mes portes de sorties émotionnelles. Inexistantes. 

Je me devais d'être juste et impartiale, car le Soleil n'épargne pas. Je me devais d'être forte, d'éclairer le chemin pour que les autres ne se perdent pas. Je me devais de vivre uniquement pour les autres et de m'oublier.

J'en ai assez.

Souvenez-vous que le Soleil ne brûle pas parce qu'il le veut, mais parce qu'il meurt lorsqu'il arrête. Les pauses n'existent pas, et j'étais condamnée à porter cette étiquette de "lampadaire" tout le temps. Mais le pire a été quand j'ai commencé à vraiment me sentir comme tel ; un Soleil tout puissant et magnifique. La chute a été dure et aujourd'hui j'en paye encore les pots cassés. J'en ai marre de tout, je ne veux pas bouger de chez-moi même si j'ai aussi envie de sortir. Quelques fois. 

Peu importe ce que je fais, on me renvoie systématiquement à ce rôle de lampadaire. Mais ce seul titre n'est pas une malédiction suffisante, il faut aussi que je fasse attention à ne pas brûler les autres, ni à trop m'éteindre moi-même ; les autres se retrouveraient perdus. 

"Je vais bien". Combien de fois l'ai-je répété ? Combien de fois ai-je mentis ? Je veux donner mon rôle d'ampoule à quelqu'un d'autre. 

Donc je vous en prie, ne m'appelez plus "Soleil". Ce titre condamne celui qui en est orné. 

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