"Il" ne me croit pas. Peu importe ce que je dis, "il" ne me croira jamais. Est-ce à cause de l'autre ? Cette enflure, pourquoi lui a-t-il raconté tout ça ? Une partie seulement est vraie, alors pourquoi ? "Ils" ne me croiront jamais, ni eux ni les autres. Elle non plus, d'ailleurs. Est-ce vraiment de ma faute ? Pourquoi suis-je la seule à ne pas comprendre ?
La nuit, dès que je ferme les yeux, je vous vois mais vous ne me voyez pas. Vous parlez, pointant quelque chose devant vous en ricanant. Le décor se fait plus sombre et j'aperçois ma propre silhouette, marchant joyeusement, sourde, aveugle et muette. Ne serait-ce pas mieux si je l'étais réellement ? Je ne blesserai plus personne, ne verrai plus personne et ne serai reliée à personne. Juste moi et mon cerveau.
Juste moi et mon cerveau, tout compte fait, c'est déjà trop. Dans le noir, je me vois encore avec deux trous remplis de sang de chaque côté de la tête, un ruban blanc taché à deux reprises sur mes yeux, les poings liés et les lèvres cousues.
Est-ce que vivre ainsi me sauverai ? Sans doute pas.
Est-ce que vivre seulement accompagnée de mon cerveau me sauverai ? Toujours pas.
Est-ce que vivre dans ce monde, dans ce "il", me sauverai ? Non.
Est-ce que vivre tout court me sauverai ? Non.
Est-ce qu'écrire encore et encore me sauverai ? Peut-être, qui sait.
Les gens me disent : "Tu sais, il faudrait que tu en parles à quelqu'un...". Les gens me demandent : "T'es-tu faite diagnostiquée ?". Et je leur répondrais "Mais non, ce n'est rien, je suis juste un peu fatiguée ces derniers temps".
A quoi cela sert de porter l'étiquette "dépressive" sur son front ? Moi qui ai tout et qui ne manque de rien, pourquoi le serai-je ? Que me manque-t-il ? Je ne veux pas être assimilée à cette case, elle me déprime encore plus. Serai-je forcée de prendre des cachets ? Non, cela officialiserait trop la chose et je me mettrai à me prendre moi-même au sérieux. A ce moment, ça sera la fin des haricots.
Mais en même temps, je serai sûre que quelque chose ne va pas avec moi. Je pourrai utiliser ça pour me forcer à aller mieux, vu que je ne sais faire que ça, forcer.
Pourquoi les gens me demandent comment je vais ? Je me tue à vous dire que je vais bien. Me poser cette question sans arrêt me fait juste me rappeler que non, ça ne va pas, alors que c'est ce que je veux oublier.
Les gens me disent de surmonter mes peurs, mes complexes et mes doutes. Ce sont de très belles paroles, je vous l'accorde, mais je ne suis pas comme vous et je n'y arrive pas. Ou du moins, pas comme vous le voudriez. Je ne surmonte pas mes peurs, je me documente et me prouve qu'elles sont infondées. Je ne surmonte pas mes doutes, je me renseigne et acquiers des certitudes. Mais il n'est pas fait que de certitudes. Ce monde tue les faibles, et personne n'est sûr d'être fort. Et les complexes, ils sont là pour encore longtemps.
Pourquoi les gens me disent-ils de parler ? J'écris, c'est bien mieux. Mais pourquoi personne ne lit ce que je me tue à plaquer sur le papier, alors qu'ils sont les premiers à m'avoir lancé sur cette voix ?
Peut-être parce que je le leur ai interdit ? Je ne sais pas, je ne sais plus. La fatigue me ronge l'esprit, les mensonges et la colère aussi.
A vous qui entrez dans mes songes, je vous en prie, lisez et comprenez.
VOUS LISEZ
Mon cerveau
ŞiirDans mon cerveau, c'est le bordel. En espérant que ça vous sauve la vie tout comme ça a sauvé la mienne. Recueil de textes plus ou moins joyeux.