La meilleure façon de prédire l'avenir est de le créer.

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 Allongée, le monitoring contrôle les contractions en attendant que mon col s'ouvre à dix et que ma fille puisse, hélas, venir dans un monde trop tôt que je n'ai pas eu le temps de lui préparer. Maman est à mes côtés et m'aide à surmonter cette peur grandissante et envahissante de minutes en minutes depuis maintenant sept heures.

Le travail est anarchique. Les contractions sont là, mais ne se rapprochent plus depuis notre arrivée aux urgences. Mon col stagne à cinq centimètres depuis maintenant deux heures. Si pour Luciole, l'accouchement avait été long, malgré les complications, pour les jumeaux, ça m'a semblé rapide. Pour ma princesse, c'est tout autre. Je ne veux pas qu'elle sorte, elle semble, elle aussi, vouloir retarder le moment, mais mon corps cherche à l'expulser sans aucune raison. Mon obstétricienne est venue et ne trouve rien à nous répondre. Le flou total.

Cinq heures vingt-cinq, le jour se lève, Ekemona ne sera pas là pour la naissance de son enfant et... non je dois rester positive. On ne cesse de me rappeler depuis mon arrivée que ça sera une grande prématurité et que le plus difficile est à venir. Il ne sera pas là pour son arrivée sur terre, toutefois, il est sûrement en train d'embarquer. Il a pu réserver une place dans un vol Air France qui part à minuit trente de chez eux, donc qui devrait bientôt décoller. Mon père va aller le chercher à Roissy à midi.

Une nouvelle fois, on vient m'examiner, le travail avance très lentement, mais le bébé ne semble souffrir et la poche des eaux n'a pas encore rompu.

- 13.7, votre tension est montée un peu. Vous n'êtes pas loin de six centimètres, mais c'est vraiment trop long. Je reviens, je vais aller voir ma cheffe.

Maman me prend la main et la sert fort pour me prouver sa présence au-delà des mots. Un sourire forcé franchit mes lèvres pour la remercier, mais le cœur n'y est pas.

L'esprit est bien trop prisé par l'angoisse et les doutes qui surviennent par dizaines.

- Tu devrais aller te reposer, maman. Ça va être encore un peu long.

- Non, hors de question de te laisser toute seule.

Mon obstétricienne arrive avec la sage femme qui m'a contrôlé quelques minutes auparavant. Elle met à son tour des gants et désire constater par elle-même l'avancée du travail. Je souffle sans que ce soit directement adressé à elle, mais marre d'être touché à cet endroit et peur que ça rompt la poche amniotique.

Le fœtus supporte les contractions pour le moment, Joy, mais le travail avance trop lentement. On attend encore deux heures, afin de voir l'évolution sinon, je pense qu'une césarienne serait préférable pour vous deux.

Tel un pantin, j'acquiesce. Deux heures pour gagner un centimètre sans que ma fille ne souffre ou nous partons au bloc toutes les deux.

J'arrive à convaincre maman d'aller prendre une douche, prendre un petit-déjeuner en attendant que deux heures passent.

Installée sur le côté gauche comme on me l'a appris depuis Luciole, je caresse mon ventre pour rassurer mon enfant. Mes doigts lui chuchotent qu'elle n'est pas seule et que je serai toujours avec elle quoiqu'il arrive, néanmoins je la supplie intérieurement de ne pas m'abandonner et de se battre pour nous deux, tout comme je vais le faire. Son arrivée parmi nous débute mal, le plus compliqué reste à faire, nous y arriverons.

La porte de la salle de travail s'ouvre. Étant de dos, je ne vois pas directement qui vient d'arriver, puis le reflet du russe apparaît dans la fenêtre grâce à la lumière intérieure.

- Encore en train de dormir la paresseuse ?

Un jeu de surélèvement de sourcil se dessine sur mon visage en détournant celui-ci vers Nikolaï. Un rictus moqueur se dessine sur nos visages respectifs.

Sombre TulipeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant