Accusations

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Décidé, Richard appela l'un de ses domestiques et demanda qu'on lui prépare sa voiture. Il était encore tôt pour sortir mais il ne supportait plus de tourner en rond dans son bureau. Il prévint Lady Catherine qu'il dînerait au Red's. Sa mère ne s'en formalisa pas, John Mabelthorpe avait pour habitude d'y passer au moins trois soirées par semaine. La veuve avait conscience que son fils devait tenir sa place dans la société.

Une demi-heure plus tard, le Duc descendit du véhicule et contempla l'élégante façade qui abritait les locaux du club. Tout ceci était absurde. Le marquis de Glaslyn et le défunt Lord Bradenham n'étaient pas des meurtriers.

Comme toujours, Richard fut accueilli par Samuel, le domestique préposé à l'accueil des membres du Red's. Il était d'une redoutable efficacité. Il connaissait par cœur les goûts et habitudes de chaque gentleman qui fréquentait le club. Il ne proposa donc pas au jeune homme de se rendre au fumoir sachant que le Duc ne supportait pas l'odeur du tabac. Il le conduisit ainsi dans une pièce cosy qui fait office de bar et l'invita à s'installer à sa table habituelle :

— Je vous apporte votre cocktail habituel, Votre Grâce.

— Oh...hum...non. Merci Samuel. Je ne désire rien pour l'instant.

Par précaution, Richard renonça à boire. Il devait garder l'esprit clair. Il consulta l'horloge ancienne posée sur la cheminée non loin de lui. Il était décidemment trop tôt. Le jeune homme était seul dans la pièce. Peu de membres rejoignaient le club en fin d'après-midi.

Néanmoins, le Duc tenta sa chance. Il interpella un domestique et lui demanda si le marquis de Glaslyn était déjà arrivé.

Richard ne dissimula pas sa surprise lorsqu'il reçut une réponse affirmative. Il réfléchit quelques instants avant de demander à l'employé de le conduire dans le salon privé de Lord Bradenham.

D'un rang supérieur à Oswald, le jeune homme avait le privilège d'imposer ses choix aux autres. Cependant, Richard n'utilisait jamais cette prérogative. Il ne voulait pas que les autres membres du club le considèrent comme hautain et méprisant. Mais ce soir, il allait exiger une entrevue que le marquis ne pourrait refuser. Oui, une conversation s'imposait. De plus, s'il s'avérait qu'Oswald lui avait délibérément menti...

Le jeune homme soupira tandis qu'il empruntait un escalier recouvert d'un tapis de couleur pourpre.

Non, il ne pouvait envisager cette option ! Il refusait de croire aux allégations de Sean Kilkavran. Oui, le marquis de Glaslyn était fourbe. Oui, Lord Bradenham avait bien des travers. Certes. Toutefois le transformer en meurtrier était inconcevable aux yeux du Duc.

Richard fut contraint de patienter quelques minutes dans le couloir du deuxième étage, avant d'être introduit auprès de l'ami de son défunt père. La bienséance ne lui permettait pas de pénétrer dans le salon sans avoir été annoncé. Lorsqu'il entra dans la pièce, le marquis interrompit sa discussion avec un homme qui n'était autre que le Duc d'Eldenbridge, la plus grosse fortune d'Angleterre. Son influence s'étendait jusqu'aux sphères les plus intimes de Buckingham Palace. On chuchotait même qu'il imposait ses décisions à William Lamb, le premier ministre. Richard ne fut pas étonné de trouver Oswald en sa compagnie. Les dernières rumeurs faisaient état d'un intérêt grandissant de Lord Bradenham pour le poste occupé par le deuxième vicomte Melbourne. Certains le disaient même prêt à vivre au 10 Downing Street bien que la demeure soit très loin d'être prestigieuse.

Le jeune homme s'étonna de ne pas voir le marquis de Glaslyn se lever pour le saluer. Quant à son invité, il toisa le nouveau venu avec colère. Au mépris de l'étiquette, il ne chercha même pas à dissimuler son courroux. Lentement, il se leva, sans détourner le regard :

{Sous contrat d'édition} Symphonie irlandaise (version roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant