Une Autre Histoire

-Chapitre 5-

Je me rappelle très bien de la dernière fois où j'avais autant couru.
C'était en terminale.
Ce jour-là, mon ancien petit ami partait pour un pays étranger.
Il ne m'avait rien dit. J'avais tout appris de sa sœur.
Il n'avait même pas pris la peine de rompre correctement avec moi. Ce véritable connard m'avait bloqué sur tous ses réseaux et aussi mon numéro de téléphone. Je me suis précipitée pour le rattraper à l'aéroport.
Quand j'y repense, ça me rappelle un drama coréen dans lequel l'héros principal partait en laissant l'héroïne, sa fiancée, derrière lui. Cette scène ressemble beaucoup à ce qui m'est arrivée.
Sauf à une différence près.
Dans le drama l'héros revient, marit l'héroïne et tout se fini bien.
Un bel "happy ending".
Pas le mien.

***

Il fait vraiment froid maintenant que la nuit est bien tombée. Il est environ 22 heures. Certaines personnes à l'entrée du restaurant me regardent. Après avoir assisté à cette scène ils doivent se poser des questions. À une certaine époque, j'aurais commencé à pleurer sous leurs regards curieux.
Mais, à cet instant précis, je m'en bat les ovaires.
Toutes mes pensées sont dirigées vers une seule question :
Je fais quoi maintenant?

Ma première idée est de retourner à l'hôtel.
Puis, je me dis, que c'est une très mauvaise idée. Si je rentre, je devrais me confronter à lui. On vas certainement se disputer une deuxième fois.
Même si j'ai très envie de lui dire le fond de ma pensée sur sa mère et son attitude, je décide d'attendre un peu.

Une autre de mes idées est d'aller dormir dans une autre chambre.
Le problème est que, vu que Brandon devait tout payer aujourd'hui, je n'avais pas pris mon portefeuille.
Qui contient la précieuse carte bancaire.
J'en viens donc à la conclusion de rentrer.
Je n'ai pas spécialement envie de mourir de froid dehors et de me retrouver demain dans un journal télévisé avec la description suivante :
Une jeune touriste étrangère est morte cette nuit car elle ne voulait pas voir son fiancé.
J'imagine la réaction de Brandon. Curieusement je ne l'imagine pas du tout en train de pleurer. Plutôt en train de râler car il doit organiser des obsèques ET faire rapatrier mon corps en France.
Personnellement, même morte, je pense que je serais très contente de le faire bien chier pour une dernière fois.

Après un long moment de cogitation et de batailles mentales avec moi-même....
Finalement, je décide de me promemer pendant une heure et de revenir dans la chambre après.
D'après mes calculs, et beaucoup de déduction intelligente, Brandon devrait être endormi.
Parfait, me dis-je dans mon fort intérieur.

***

Wouah. Tel est mon honnête avis sur le port et la roue.
De nuit la roue est éclairée par des projecteurs de pleins de couleurs différentes. C'est très beau à voir.
Après une rapide réflexion, je m'étais décidé d'aller me balader le long du vieux port.
Je ne regrette pas cette décision.
Il commence à neiger. C'est la première fois que je vois de la neige depuis mon arrivée.
Grâce aux lampadaires je peux voir les reflets de la lumière sur la neige.
Les quelques bateaux sur le fleuve Saint-Laurent sont bloqués dans la glace.
Je sort mon portable pour vérifier la température.
-11 degrés.
Bizarrement, le froid ne me dérange pas tant que ça.

La neige remonte des souvenirs.
Ils datent du Noël dernier.
Aka notre première visite, ensemble, à sa famille. Ce jour avait été un véritable désastre.
Le type de désastre qui reste gravé à vie dans les mémoires.

Tout d'abord il faut savoir une chose.
Juste avant de rentrer dans la maison familiale, Brandon m'avait fait un récapitulatif de ce qui fallait faire et ce qui ne fallait pas faire.

Il m'avait donné ce type d'instructions :
Ne parles pas la bouche pleine.
Souris à tout le monde.
Soie polie avec mes parents.
Mange tout ce que ma mère te propose.
Réponds à toutes les questions.

Bref. Le genre d'instructions qu'ont donne à une gamine en bas âge.
Ça m'avait particulièrement agacée sur le moment mais bon. Un mal pour un bien.
Avec ce repas Brandon et moi auront l'aval de ses parents.
Brandon m'avait déjà dis à quelle point sa famille était très patriarcale.
Personnellement ce n'était pas un problème pour moi.
"N'était"

Le début du repas se passait plutôt bien.
Tout le monde était plus ou moins "indulgent" avec moi. Je recevais des compliments et des piques aléatoirement.
Du 50/50.
Au bout d'une heure, j'en avais ma claque.
Je n'ai jamais particulièrement aimé les repas avec ma propre famille quand j'étais plus jeune alors là.....

Puis, vers 21 heures, nous étions enfin passé au dessert.
J'entendais ma main pour attraper une tartelette au pommes, qui me semblait délicieuse, lorsque ma belle-mère intervint.

- Voyons, Marine, ce n'est pas raisonnable. Avait-elle dit d'une voix pincé.

- Quoi ? Il y a un problème ? Je lui avait demandé, ma main en suspens au dessus de la tartelette.

- Je pense que tu as assez mangé comme ça. Elle m'avait répondu avec un grand sourire narquois.

- Pardon mais je ne pense pas que vous sachiez mieux que moi si j'ai encore faim ou pas.

À ce moment, elle avait lancé un regard de désapprobation à Brandon.
Et moi, dans ma grande débilité et naïveté, je pensais qu'elle était fâchée contre lui.

- Ah madame je ne vois pas où est le problème. J'ai le droit de manger, non ?

Alors que ma merveilleuse belle-mère me lançait un regard noir, Brandon me donnait un coup de pied sous la table.

- Hey ! Je me tournais vers lui avec un mélange de confusion et de douleur dans les yeux.

Du regard, Brandon m'intimait de la fermer et d'obéir à sa mère.
Soudain, contre toute l'attente de l'entièreté de la famille, je pris la tartelette et la posa dans mon assiette.
Du coin de l'oeil, j'avais cru voir de la fumée sortir du nez de ma belle-mère.

Quelque minutes après, Brandon et moi étions dans sa voiture.
Contrairement à ce que je pensais, sa mère avait approuvé notre mariage.
Mais, Brandon me reprochait quand même d'avoir ruiné la soirée.

Pour moi cette soirée avait été, certes, un désastre mais aussi une réussite.

Je ne me doutais pas de ce qui s'était réellement joué.