Plus longue que de coutume, la journée me parut durer une éternité. Je patientai dans ma chambre, tournant comme un lion dans sa cage. Impatiente de participer aux réjouissances. Les relations glaciales entre le Surat et le Nisab ne m'avaient jamais permis d'assister à une fête suratie. Je trépignai de joie à cette idée. Pourtant, je gardai fraîchement en mémoire la scène de ce matin. La fureur du prince et ses menaces. Mon maître était un homme très prudent et désintéressé par le pouvoir. Sa confiance ne se gagnerait pas en lui promettant d'immenses richesses et en effectuant mes tours de passe-passe. Diriger son pays n'entrait pas dans ses ambitions. Il acceptait volontiers sa sœur comme future souveraine légitime. Si le pouvoir ne l'intéressait pas, il me fallait découvrir ses aspirations secrètes. Percer sa carapace serait une tâche ardue. Cependant, utiliser sa famille comme moyen d'acquérir sa confiance, de prouver ma loyauté... Cela marcherait certainement.Je sursautai quand on frappa à la porte de mes appartements. La camériste, dont la peau très foncée me rappela celles des nibiennes, entra à mon invitation suivie de deux servantes. Immédiatement, je rendis le sourire lumineux qui éclaira le visage de la jeune Hiba. Elles passèrent l'après-midi à s'occuper de moi. La seconde domestique, Sedipeh, sortit en hâte de la salle d'eau et revint avec un groupe de jeunes hommes transportant sur leurs épaules nues, des sceaux remplis à ras bord d'eaux bouillantes. Guida, la camériste, nous enferma dans ma chambre à leur arrivée.
- Ils ne sont pas dignes de votre présence, Dame Shirin, me précisa-t-elle sans que je ne décèle le moindre accent dans sa voix.
« Dignes de moi ». Je retins un éclat de rire. Si tu te doutais seulement de ce que je représentais, des actes impures que l'on m'a forçait à faire... Tu ne m'estimerais pas autant.
Nous retournâmes dans la salle d'eau après leur sortie. Lorsque la température du bain se fit plus supportable, Sedipeh et Hiba jetèrent des fleurs de jasmin qui flottèrent à la surface. Elles m'aidèrent à me dévêtir et je prétextai une attache particulière pour mes bracelets afin d'éviter de me justifier sur l'impossibilité de les retirer. Rougissante de ma soudaine nudité, je grimpai puis descendis pas à pas les quelques marches de la baignoire de pierres installée au beau milieu de la pièce. L'eau tiède et divinement parfumée, caressa ma peau. Dans ma prison, je tirais moi-même l'eau du puits afin de faire ma toilette à l'extérieur du palais. Je me permis donc le luxe de m'immerger entièrement sous l'eau. Juste quelques précieuses secondes. A cet instant précis, je me sentis comblée de bonheur. La sensation de liberté que ce moment m'offrait était inestimable.
Les domestiques s'attelèrent ensuite à me rendre présentable pour la soirée. Elles me frottèrent le corps et les cheveux avec des pains de savon doux. A peine, eus-je le temps de ressortir qu'elles me couvrir de linges moelleux afin de me sécher tandis que Hiba, pour son plus grand plaisir, démêla ma chevelure en la brossant avec délicatesse.- Puis-je jeter un œil à vos tenues, Ma Dame ? demanda Guida.
J'évitai de me trahir en retenant un « oui » insouciant qui menaça de s'échapper de mes lèvres. Si elle se rendait compte que mon armoire ne contenait qu'un seul modèle de tuniques de couleurs crème, elle se poserait sûrement des questions et intriguerait avec les autres caméristes du palais à mon sujet. J'insistai pour aller les chercher moi-même et m'éclipsai avant qu'elle ne proteste. Dans l'intimité de ma chambre, je fis apparaître deux robes longues : l'une d'elle à bustier en soie fine et de couleur prune ; et l'autre bleu nuit, plissée sur le devant et à larges bretelles. Une parure de diamants discrète habillerait mon cou et serait en harmonie avec mes bracelets de platine. Divers accessoires d'argent compléteraient ma tenue. Enfin, je choisis deux paires de sandales élégantes aux couleurs de mes robes.
Guida, Sedipeh et Hiba furent unanimes : je porterai ce soir la robe prune. Son col en cœur dévoilait la naissance de mes seins, sans que cela ne soit trop vulgaire. Je me félicitai d'avoir imaginé cette robe dont la courte traîne ne m'embarrasserait pas au cours de la soirée.
Guida attacha le collier autour de mon cou et les boucles à mes lobes d'oreilles. Elle accrocha à ma chevelure défaite qui retombait en cascade sur mes épaules dénudées, un léger voile surati qu'elle rabattit à l'arrière de ma tête. Elle fixa ensuite une petite broche argentée en forme de fleurs au-dessus de ma hanche droite pour plisser élégamment le tissu. Sedipeh m'aspergea d'un parfum enivrant puis Hiba rajusta le bas de ma robe sur mes chaussures. Elles me maquillèrent légèrement les yeux et les lèvres, sans excès. Hiba saisit le flacon des mains de Sedipeh pour essuyer quelques gouttes derrière mes oreilles, au creux de ma gorge et à mes poignets. La jeune servante observa un instant les bracelets avant de relâcher mes mains.
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D'or et de platine
FantasiShirin est une jeune nibienne effrontée et vaniteuse qui n'en fait bien souvent qu'à sa tête. Lorsqu'elle fit un jour le vœu de libérer son serviteur, prisonnier d'un artefact magique, elle ne s'imagina pas un instant que son acte inverserait la mal...