Assis au sol, j'ai du mal à y croire. Les corps encore chauds des hommes de Judith jonchent le carrelage tout autour de moi. L'atmosphère pesante pourrait presque m'étouffer, si je n'étais pas moi-même à l'origine de ce massacre. Dire que j'ai touché le fonds est un putain d'euphémisme. Sept putains de cadavres.
A la base, je ne suis venu que pour elle. Pourtant, c'est bien la seule que j'ai laissée filer. Comme si elle m'avait senti arriver, Judith a détalé comme un lapin avant même que je ne mette un pied dans son appartement. Son homme le plus fidèle, Owen il me semble, m'a accueilli à bras ouverts, tout sourire. Je n'ai pas hésité une seule seconde à lui tirer une balle en pleine tête. Pas une seule putain de seconde. Il ne fut que le premier d'une longue liste. Si j'espérais jusqu'ici pouvoir m'en passer, mon arme reste malgré moi greffée à mon membre, pesant aussi lourd que le poids de cette vengeance qui promet de m'avoir à l'usure.
Incapable de faire ralentir les battements frénétiques de mon coeur, je reste immobile, pataugeant dans un sang qui n'est même pas le mien. Enfin, je crois. L'adrénaline est telle que je ne ressens plus rien, pas même mon propre corps.
L'appartement est méconnaissable, saccagé par les balles. Par réflexe, je regarde autour de moi, bien que je sois seul entre ces quatre murs. Qu'est-ce que je fou là, putain.
Derek a tenté de me joindre à trois reprises, sans même laisser de message. On s'était pourtant mis d'accord, aucun contact jusqu'à nouvel ordre. S'il pense que je fais ça pour souffler un peu, il se méprend complètement. L'avoir dans mes pattes m'aurait fait perdre un temps précieux. Temps que j'ai finalement perdu tout seul en échouant lamentablement.
Mes mains tremblent toujours lorsque je saisis mon paquet de cigarettes, écrasé sous ma cuisse. Les avants-bras posés sur mes genoux repliés devant moi, je fixe la flamme vacillante de mon briquet avant de brûler l'extrémité de ma clope tordue. La première bouffée est exaltante. Il y a bien longtemps que cette merde ne m'avait pas fait cet effet-là.
J'essaie du plus profond de moi-même de chasser ces images de ma tête, mais rien n'y fait. Mes coups de feux se superposent à la lame d'Isaiah, posée sur le cou de ma mère, puis à celle de Judith, caressant la peau fine de celui de Rebecca. Mon seul point d'ancrage, c'est de la savoir en sécurité, loin de cette garce.
L'apaisement n'est que de courte durée, la nicotine n'a déjà plus aucun effet sur mes tremblements, ni même sur ma colère. Bien que mon esprit soit embrumé, tout semble assez clair pour que je m'y perde à nouveau.
Les lourdes bottes de cette enflure frappe avec puissance le sol crade de la salle d'entraînement. A genou au centre de la pièce, je suis plié en deux. Ariel n'a pas hésité à me briser les côtes pour s'assurer que je ne bouge pas. J'ai un très mauvais pressentiment. Derek n'a pas pu s'entraîner avec moi aujourd'hui, je me suis retrouvé seul avec ces enflures qui me servent de supérieurs.
Une voix que je ne connais que trop bien résonne désormais dans le couloir. Lorsque le visage rougi et humide de ma mère entre dans mon champ de vision, je tente à nouveau de me relever. Peine perdue, mon grand-père me pousse avec violence. Je réprime un cri de rage lorsque mes genoux percutent violemment le sol. Isaiah, un grand sourire étirant ses lèvres, s'approchent de moi, les cheveux de ma mère fermement emmêlés autour de son poing.
- Nolan ! pleure-t-elle en m'apercevant au sol.
- Ima, soufflé-je doucement.
A son tour, mon père fait son entrée, tenu en joue par un autre de nos hommes. Lui, contrairement à ma mère qui ne cesse de me fixer avec terreur, ne daigne pas m'adresser un seul regard.
- Nolan !
Sa voix me tétanise, je suis incapable d'agir, de faire quelque chose, n'importe quoi, pour la sortir de là. Je crois tomber de dix étages lorsqu'un objet en métal brille entre les doigts de son bourreau. Alors que la lame s'approche dangereusement du cou de la seule femme de ma vie, je n'entend rien d'autre qu'elle. Ses pleurs, ses gémissements et sa peur. Ariel me parle, mais je n'entends qu'un brouhaha insupportable.
- Nolan, putain !
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Détestables (Tome 2)
RomanceOn dit souvent qu'il n'existe pas de vengeance plus haute que l'oubli. Pourtant, ils ont décidé de s'en rappeler.