Détestables (Tome 2)

Chapitre 22 - Derek

- Putain, mais qu'est-ce qu'il branle ?

Un putain de quart d'heure qu'on est bloqués devant l'entrée de ce foutu bar, et cinq longues et interminables minutes que je n'ai de nouvelles de personnes. Je tente de me frayer un passage jusqu'à l'agent de sécurité qui ose nous faire poireauter dehors. A coup sûr, c'est encore Michael qui discute avec un - ou plutôt une - des habitués.

Kate ne lâche pas mon bras, sautillant derrière-moi pour suivre la cadence. Si je n'étais pas si inquiet, je m'extasierais presque de sentir ses doigts frais se refermer sur mon poignet à mesure que l'on avance. Russell et Allan sur les talons, je parviens finalement à atteindre le haut de la file, rarement si longue. Alors que je me retrouve nez à nez avec celui qui nous empêche de passer, mon corps se fige instantanément

- La garce, jure Russell dans mon dos.

Devant moi, un homme que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam remplace Michael. Il est plus qu'évident que cet homme ne travaille pas pour Nolan. Bien loin des anglais inoffensifs que l'on embauche d'habitude dans ce genre d'événement, l'armoire à glace postée devant l'entrée me dévisage avec mépris, un demi sourire déformant ses lèvres pincées.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demande innocemment Kate, cachée dans mon dos.

Bien trop pressé par le temps, je ne prends pas la peine de lui répondre. De mon bras gauche, je la pousse délicatement en direction d'Allan, resté en retrait pour tenter à nouveau de joindre notre chef. Seul Josh semble lui répondre, visiblement incapable de nous fournir plus d'informations sur la situation. Alors qu'Allan réceptionne une Kate apeurée, je m'approche lentement de l'homme que Judith a mis en travers de mon chemin. J'assène le premier coup avec violence. Surpris, il s'apprête à riposter lorsque Russell se jette sur lui. Les deux hommes ont la même carrure, si bien que mon ami peine à l'immobiliser. Frappé au visage avec force, Russell recule de quelques pas avant de revenir à la charge. Les deux hommes se battent comme des adolescents en sortie de boite, me donnant l'occasion de saisir mon beretta armé de son silencieux. Choqués par la scène se déroulant devant leurs yeux, les quelques clients de l'Optimus toujours présents reculent de quelques pas. Je risque un regard en direction de Kate, qui ne quitte pas mon arme des yeux. Ça fait chier, putain.

Un bruyant craquement résonne dans la rue, suivi d'un choc sourd arrachant quelques gémissements à notre public. Après un énième coup de Russell, notre beau videur se débat avec rage. Il perd rapidement de sa fougue lorsque la front de Russell percute le sien. Sonné, l'homme chancelle, m'offrant l'occasion rêvée pour intervenir. Sans même réfléchir, je vise sa cuisse. Mon but n'est pas de le tuer, simplement de l'immobiliser. Lorsque la balle pénètre avec précision ses chairs, il hurle de douleur. Alors que tous s'agitent derrière-moi, seul le hoquet de peur s'échappant des lèvres de Kate résonne dans mes oreilles.

N'ayant malheureusement pas le temps de m'en préoccuper, j'ordonne aux gars de me suivre. Pénétrant rapidement dans le bar sombre, j'inspecte les lieux à la recherche d'informations. Je ne repère personne, même pas Josh supposé être derrière le bar. Je sursaute presque lorsque ce dernier apparaît brutalement devant moi.

- Ils sont là-bas ! cri-t-il par-dessus la musique pour que je l'entende.

Sans attendre, nous traversons la salle pleine à craquer, bousculant quelques invités ivres sur notre passage. Elle s'est trompée de pièce, putain. Et si Judith l'a rejointe, malgré les indications envoyées par Stephan, c'est que cette pute est bien plus maligne que l'on ne l'imaginait.

- Ils y sont depuis combien de temps ? demandé-je en tentant de déverrouiller la porte.

- Plusieurs minutes maintenant. Un coup de feu à retentit puis... Je n'arrive pas à déverrouiller cette putain de porte, putain !

Tu m'étonnes. Rebecca a choisi la seule putain de salle dotée d'un verroue électronique, impossible à forcer. Rapidement, mes doigts s'activent sur le pavé numérique de la poignée qui s'ouvre instantanément. Arme en main, je m'aventure dans l'obscurité de la pièce. C'est d'abord la voix de Nolan qui m'interpelle, tant elle résonne entre les murs insonorisés.

Je n'ai même pas le temps de réaliser ce qu'il se passe, que Kate court en direction de Nolan, à genoux sur le sol, le corps inanimé de Rebecca dans les bras. Alors que Kate hurle à s'en faire péter les poumons, je fixe avec effroi les avant-bras rougi de mon chef.

- Non, non, non ! hurle douloureusement Kate en se jetant à son tour sur sa sœur.

Le regard de Nolan est brillant de larmes lorsqu'il percute le mien. Immobile à l'entrée de la pièce, je tente de garder mon sang-froid. C'est impossible.

- Est-ce qu'elle est...

La voix de Nolan est à peine audible. Alors que je m'apprête à m'approcher à mon tour, le petit corps de Kate s'agite derrière l'imposant dos du mafieux.

- Elle... elle respire ! Il faut... s'époumone-t-elle.

- Dans la voiture ! Derek, bouge-toi l'cul ! On sort d'ici.

Alors qu'Allan prend en main la situation, je m'empresse de courir en direction de Kate, refusant de laisser partir Nolan avec le corps ensanglanté de sa sœur.

- Ça va aller, je te le promets, tenté-je de la rassurer.

- Son... son cou, réalise-t-elle soudain en pointant la blessure d'un doigt tremblant.

Bordel de merde. Une longue traînée rouge macule la peau claire de Rebecca. Si c'est aussi grave que ça en a l'air, c'est un exploit que la petite respire encore. Conscient de l'urgence de la situation, je saisis Kate par le bras et cours en direction de la sortie.

Nous rejoignons rapidement la voiture dans laquelle Stephan nous attend. Lorsqu'il aperçoit Beck, il s'empresse de sortir de l'habitacle. Alors qu'il tend son bras, certainement pour vérifier si son amie respire encore, Nolan réagit violemment, lui assénant un coup d'épaule si puissant qu'il manque de l'envoyer au sol. La rage prend peu à peu possession de Stephan qui s'apprête à lui renvoyer l'appareil lorsque Nolan dépose le corps inerte de Rebecca sur la banquette arrière.

- Ça vous dirait d'arrêter d'agir comme des putains de demeurés ? hurle soudain Kate en s'interposant entre eux. Je n'ai aucune, mais alors vraiment aucune envie, de la voir crever. Alors posez vos putains de cul dans cette bagnole !

Son index, plus du tout tremblant, est pointé en direction de son frère et s'agite fièrement sous son nez. Bien qu'il ne décolère pas, ce dernier décide d'écouter sa sœur. Mais alors qu'il s'apprête à monter à l'arrière, Nolan est plus rapide, l'obligeant à reprendre sa place au volant. Saisissant Rebecca pour la faire reposer sur ses genoux, la tête contre son torse désormais tâché de sang lui aussi, il invite Kate à prendre place à ses côtés.

Lorsqu'à mon tour je m'installe à la place passager, je prie de toutes mes forces pour que l'on arrive à temps.