Chapitre 25 - Beck

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C'est bon, je vais bien !

- Tu parles, t'as vu ta gueule ?

J'ai rarement connu Kate si honnête. Ça doit bien faire plus de vingt minutes qu'elle insiste pour me faire boire un liquide verdâtre, soi-disant capable de me faire gagner dix ans d'espérance de vie.

- Lâche-la un peu, grogne Derek. Tu m'as foutu la migraine en cinq secondes ! C'est un putain de super pouvoir, là !

- Tu vas pas t'y mettre, toi aussi ! Tu veux subir le même sort qu'Allan ?

Rien qu'en l'attrapant par la barbe, Kate a fait sortir Allan de la pièce en un rien de temps. Finalement, je trouve qu'elle s'est un peu trop bien adaptée à sa nouvelle situation.

Les mains en l'air, Derek sort de la pièce de lui-même. Bien que je l'adore, je flippe déjà à l'idée de me retrouver seule dans ma chambre avec le petit démon qui me sert désormais de sœur. La cheville bleue et la cuisse bandée, je suis toujours incapable de marcher. Clouée au lit depuis maintenant trois jours. Trois jours que les quatre abrutis qui me servent de colocs n'ont pas quitté l'appartement. Trois jours qu'il est parti.

- Trois jours que tu n'as rien avalé, Rebecca. Trois jours que tu attends, comme s'il s'apprêtait à passer cette porte, souffle-t-elle en s'avançant vers moi. Trois jours que la Beck forte et indépendante avec laquelle j'ai grandi a disparu.

Ce constat m'accable autant qu'elle. C'est pourtant plus fort que moi. J'en suis incapable, ne serait-ce que de penser à autre chose. Derek a beau me dire qu'il est parti en mission, je n'y crois pas une seule seconde. Rien que la présence du bras droit me prouve qu'il y a un truc qui ne va pas.

- Kate, je...

- J'ai trouvé ça dans ton jean.

Mon attention se porte désormais sur la main de Kate, qui remue devant mon visage, un morceau de papier plié entre ses doigts. Intriguée, je m'en saisis, soudain paniquée. Je le déplie lentement, certaine de reconnaître son écriture.

- Cette garce, putain.

- Judith ?

- Qui d'autre... Elle est désolée de m'avoir utilisée comme elle l'a fait, craché-je hargneuse. Et, clou de spectacle, elle souhaiterait qu'on en discute de vive voix.

- Jamais de la vie ! hurle Derek, toujours derrière la porte de ma chambre.

- T'es encore là, toi ?

Je ne parviens pas à entendre le reste de leur conversation. Je pense qu'à cet instant, mon cerveau est simplement déconnecté, bloqué sur une seule et même idée.

Je vais faire subir à cette pétasse le centuple de ce qu'elle nous a fait. Je veux qu'elle me supplie, comme Nolan dit l'avoir supplié. Je veux qu'elle panique à en perdre sa putain de mémoire.

Beck, qu'est-ce que tu fous ?

A mon grand étonnement, je suis débout. Maintenue à la table de chevet, mais bel et bien debout, une lame brillante emprisonnée dans mon poing. Alors que Kate semble paniquée, Derek garde son sang froid. Pourtant, ses mains tremblent lorsqu'il s'approche de moi pour me désarmer. Tant bien que mal, je l'en empêche. Lorsque ses doigts frais frôlent la peau de mon bras nu, je suis prise d'un violent spasme, à deux doigts de vomir.

- Il faut que je sorte d'ici.

- Et pour aller où ? Tu tiens à peine debout, putain ! Et pose ça, avant de blesser quelqu'un, m'intime-t-il en laissant une certaine distance de sécurité entre nous. Kurt va...

- Kurt va quoi, Derek ? Cet enfoiré a juste décidé de fuir, et n'essaie même pas de me mentir, craché-je en enfilant le sweat à capuche traînant près de mon lit.

- Eh, Juliette ! m'interpelle Stephan, appelé à la rescousse par sa sœur. Quoi que t'aies en tête, c'est du suicide ! Alors tu vas gentiment attendre que Roméo rentre à la maison.

La lame part seule, s'enfonçant avec violence dans le mur, à quelques centimètres de la tête de mon ami. Bien que je regrette immédiatement mon geste, je n'en montre rien, bien trop énervée par ses paroles.

Un seul pas suffit à me mettre à terre. Je m'écroule si rapidement que mes genoux cognent avec violence le parquet. J'hurle, sans réellement savoir pourquoi, frappant de toutes mes forces sur le sol, comme si lui seul était fautif.

- Ne me touchez pas, putain ! crié-je lorsque que Stephan tente à son tour de saisir mes poignets.

Se torchant royalement avec mes protestations, Stephan me saisit par la taille, avant de me balancer sur son épaule. Kate est recroquevillée dans un coin de la pièce alors que Derek tente de la calmer.

- Yuda je te jure que si tu ne me reposes pas, je...

- Princesse, je te conseille de fermer ta gueule si tu veux pas que je tue celui qui t'as foutu dans cet état.

- Celle, pas celui, craché-je en tentant de me débattre malgré la douleur irradiant ma cuisse.

- Ouais, à d'autres. C'est elle qui t'empêche de bouffer aussi ? Je dis pas que la Rebecca d'avant ne me manque pas, mais celle que tu es quand il est là semble... réparée. Alors permets-moi de te mettre de côté le temps qu'on appelle le service après-vente, ma jolie !

Bien que je frappe son dos à plusieurs reprises, Stephan ne lâche rien, traversant l'appartement de long en large pour finir par me jeter sur la banquette arrière de sa voiture et refermer derrière-moi.

- Josh, tu prends le volant, cri-t-il en lui jetant les clés au visage.

Sans broncher, Josh s'installe sur le siège conducteur. Son regard croise brièvement le mien dans le rétroviseur. Bien que je fasse sûrement peur à voir, ce dernier reste impassible, attendant patiemment que son passager s'installe à son tour, après avoir jeté quelque chose dans le coffre.

Lorsque je regarde derrière-nous, Derek, Kate et Allan sont debouts devant la porte d'entrée. Les deux hommes ont les bras croisés sur le torse, le regard inquiet. Kate, quant à elle, semble sereine de me savoir avec son frère, et visiblement soulagée.

Je n'ouvre pas la bouche du trajet. Bien que je n'ai aucune idée de l'endroit où ils m'emmènent, je ne pose pas de question, me contentant de ruminer en fixant le paysage. Le suspens n'est cependant pas très long puisque je reconnais au loin mon motel, toujours aussi vide et crade que la dernière fois que j'y suis venue. 

Détestables (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant