Chapitre 3

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Naïla s'est réveillée à l'heure du souper, les deux femmes dînent en silence, savourant le repas préparé par Aurora. Ce n'est pas un silence pesant, il n'y a aucune tension dans l'air ; Naïla doit être habituée à l'absence de dialogue, et ça ne dérange pas la Printanière qui déguste goulûment sa préparation, une salade composée. Le régime alimentaire du clan est principalement végétarien ; les Printaniers étant habitués à côtoyer des animaux, ils ont toujours eu du mal à comprendre qu'on les tue, et encore moins qu'on les élève en masse pour les pousser à l'abattoir. En règle générale, ils n'ont pas non plus beaucoup d'affaires, et n'amassent pas dans le but de collectionner ou de se rassurer. Chaque mode de vie a ses avantages et ses inconvénients, et le clan est fidèle au sien depuis des siècles.


Aurora débarrasse la table et fait la vaisselle, réfléchissant à la meilleure manière d'initier le dialogue avec la nouvelle venue. Celle-ci est assise sur son couchage, et l'observe calmement. Tout à coup, la Printanière casse un verre et se coupe légèrement à un doigt, ce qui lui fait pousser un cri de surprise avant de porter par réflexe son doigt à ses lèvres pour en sucer le sang. En une fraction de seconde, Naïla apparaît à ses côtés et lui prend doucement la main. Étonnée, Aurora se laisse faire et l'observe : Naïla prend sa main à deux mains, ferme les yeux et prend de grandes inspirations. L'être de lumière n'en revient pas : sa coupure a totalement disparu ! Elle regarde sa main sous tous les angles, prenant conscience du formidable pouvoir de la nouvelle arrivée. « Tu guéris les blessures ! Est-ce que tu le fais souvent ? » Naïla acquiesce, un sourire étirant ses lèvres. « C'est tout bonnement formidable ! Je suis très impressionnée ! Est-ce que tu as d'autres pouvoirs ? » La femme acquiesce à nouveau, elle ferme les yeux puis le renard qui l'accompagnait revient dans l'abri : il s'était absenté, sans doute parti chasser. Naïla le regarde fixement dans les yeux, et celui-ci enchaîne plusieurs mouvements : il tourne sur lui-même, puis s'assied, avant de se coucher.


Aurora n'en revient pas : cette femme est décidément pleine de surprises ! « Alors, laisse-moi récapituler... » Elle rit de plaisir. « Tu ne parles pas mais tu peux communiquer avec les animaux, et tu guéris les blessures. J'ai tout juste ? » Naïla opine de la tête. « D'accord... Et maintenant, si tu m'expliquais ce qui t'amène dans le refuge des Printaniers ? » La femme hésite un moment, avant de désigner ses bras, mimant un cathéter, des électrodes... Enfin, c'est ce que comprend Aurora. « Quelqu'un veut t'hospitaliser ? » Naïla répond par la négative.« Bon... Des électrodes... Quelqu'un veut t'examiner, c'est ça ? » La jeune femme acquiesce vigoureusement, visiblement fière de s'être fait comprendre. Aurora reste pensive quelques instants. « Tu as fui une ou plusieurs personnes, qui voulaient t'examiner... Que va-t-il nous arriver, s'ils te trouvent ici ? Est-ce que nous courons un danger ? » Naïla est hésitante pendant un moment, avant de hocher lentement la tête. De toute évidence, elle est consciente de la situation, du danger qui la menace et des répercussions qu'il pourrait y avoir pour les Printaniers. Aurora tente de la rassurer. « Tu sais, nous sommes introuvables pour la plupart des gens... Même les Hommes n'ont jamais situé notre repaire, alors il y a peu de risques que tes agresseurs parviennent jusqu'ici. » Par ces paroles, elle cherche aussi à se rasséréner elle-même : si le chef était au courant de tout ça, du danger qui rôde dans les environs, il rejetterait sans doute Naïla sans ménagement loin de leur village. Pourtant, la Printanière l'aime bien : elle est gentille, a des pouvoirs incroyables et est la première nouvelle arrivante depuis des lustres. Peut-être une cinquantaine d'années, tout de même !


« Je vais t'aider, ne t'inquiète pas. On va rester ensemble, et trouver une solution. » Elle reste pensive quelques instants, avant de changer totalement de sujet. « En attendant... Nous avons un bal à préparer ! Bien sûr, tu n'es pas au courant, alors je vais t'expliquer : tous les ans, peu après notre réveil nous organisons un grand bal pour fêter le nouveau printemps qui s'installe. Le bal a lieu demain, alors on va essayer de te trouver une tenue ! Je n'ai pas beaucoup de vêtements, mais ils sont de bonne qualité et je suis sûre que tu vas trouver ton bonheur. » Aurora se dirige vers une petite commode, où elle déniche une longue robe lilas.« Tu vois, celle-ci je la porterai demain. A moins que tu veuilles la porter ? Sinon, j'en ai une jaune et une verte. »Naïla affiche une moue dubitative, et la Printanière réalise soudain son erreur. « Mais oui, tu es plus grande que moi ! Ces robes ne pourront pas t'aller... Il va falloir qu'on aille t'en fabriquer une chez Mireille, elle a des doigts de fée tu verras ! Nous irons la voir demain matin. »


Les deux femmes discutent encore un peu, l'une utilisant sa bouche, l'autre ses mains ; avant de se serrer sur le couchage et de goûter à un repos bien mérité. Naïla semble un peu à l'étroit du fait de sa taille, mais elle ne se plaint pas. Après tout, elle doit être reconnaissante d'avoir trouvé un abri accueillant... Et avec Aurora, elle est bien tombée. Ce sont les rayons du soleil naissant qui les réveillent, pleines d'énergie pour la journée à venir.


La Printanière propose à sa nouvelle amie quelques fruits de saison, puis les femmes se préparent et quittent l'abri en direction de l'antre de Mireille, la couturière. Elles saluent de multiples confrères au passage, et Aurora s'aperçoit que la plupart reconnaissent facilement Naïla. Elle ne va pas tarder à s'intégrer ! Et encore, qu'est-ce que ce sera quand tout le monde aura eu vent de ses impressionnants pouvoirs...

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