🐞 𝐴𝑣𝑟𝑖𝑙

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Salut chère amie de papier! 

Tu connais le fameux dicton de maman pour te convaincre de sortir avec ton manteau alors que toi tu ne veux pas du tout parce que ça ruinerai ton outfit? Avril, ne te découvre pas d'un fil. 

Bon et bien j'aurai clairement du l'écouter, parce que à vouloir sortir en cardigan rouge sous la pluie, je me retrouve clouée au lit avec une tête de zombie qui ferait peur à mon miroir. Je suis malade comme un chien, et encore c'est méchant pour les chiens. 

Après, je n'ai pas honte de dire que mon outfit en valait la peine. Et voilà quoi, il faut souffrir pour être belle! Et je n'ai pas regretté de l'avoir mis, au vu du nouvel "Épisode Manfred" du mois. 

Et oui, c'est reparti pour parler de Manfred, parce que même si ça me fait du mal, même si je suis triste et en colère, même s'il fait naître en moi toutes sortes de sentiments contradictoires, je ne peux l'oublier. Je remarque quand il est là, et quand il n'est pas là. Quand il est triste, et quand il est joyeux. Quand le soleil donne à ses yeux bleus un teinte presque translucide, et quand la pluie leur prête des couleurs abisales. 

La pluie. 

Je me revoie hier, dans mon pauvre cardigan imbibé d'eau. J'avais trouvé refuge sous le préau, pressée entre un groupe de filles dont les manteau en fourrure trempée ne cessaient de frôler mon visage, et un couple qui profitait de la pluie pour se chuchoter des mots doux à l'oreille. En tout cas, c'est ce que j'ai compris en voyant le sourire béat de la fille et celui niais du garçon. 

Je pestais contre la pluie, contre les manteaux en fourrure et contre les couples qui ne me faisaient sentir qu'un peu plus seule, quand je l'ai vu. Abrité sous le porche de l'entrée principale du lycée, adossé au mur, les mains dans les poches, il considérait le ciel d'un air tout aussi ennuyé que le mien. Sa doudoune sans manches n'avait pas été plus efficace que mon cardigan contre l'averse, et les manches mouillées de sa chemise collait à ses bras. 

Pendant quelques instants, j'en ai oublié la pluie, les manteaux à fourrure et les couples. Il a cet effet là sur moi, cette capacité à arrêter le temps comme si seuls nos deux corps comptaient, que tout le reste était dérisoire. 

Son regard s'est arrimé au mien, contact passant outre les lycéens agglutinés sous les parapluies, outre les larmes qui tombaient sans discontinuer du ciel menaçant, outre la sonnerie marquant la fin de la pause. Le lien ne s'est rompu que lorsque l'un de ses amis l'a tiré par le bras pour le trainer à son prochain cours, et que lorsqu'en partant l'une des filles m'ait projeté sa fourrure trempée en plein dans le visage. 

Quand j'ai relevé les yeux, il avait disparu, et je revenais à la réalité. 

Après cela, plus rien. Après l'intensité de cet échange silencieux, je n'ai cessé de chercher son regard partout, dès que j'en avais l'occasion. Comme pour me prouver que je n'avais pas rêver, comme pour vérifier qu'un simple échange de regard avec lui avait le pouvoir d'arrêter le temps. La pluie, comme les minutes. 

Mais il ne m'a pas accordé un regard, alors même que moi je ne voyais que lui. Et je me retrouve à présent au fond de mon lit, à contempler le plafond comme si une paire de yeux bleus risquait d'y apparaître d'un moment à l'autre. Mais ceux ci n'apparaissent plus que dans mes rêves, et peut être que tout ceci en était un aussi tout compte fait. 

Je ne sais pas, je ne sais plus. 

Une partie de moi donnerait tout pour que le brun de mes yeux affronte le bleu des siens, autant de temps que je voudrai. Je passerai des heures à noter chaque motifs de ses iris, à remarquer toutes les teintes qui s'y mêlent. Et ces heures seront totalement illusoires puisque le temps ce sera arrêté autour de nous, qu'il ne restera que nous et nos regards liés l'un à l'autre. 

Et puis après, la deuxième partie de mon cerveau, celle qui en a ras les fesses de s'occuper de ce mec, a reprit le dessus. Et elle a réussit à me convaincre que c'était complètement idiot de déprimer parce qu'un garçon ne m'avait pas regardé. Sérieusement! Il y a mille et une chose qui peuvent me rendre heureuse, la vie est belle, et nous n'en avons qu'une seule. Et elle est aussi belle pour ça la vie, parce qu'elle est unique, éphémère. 

Ça m'a fait pensé à ses papillons qui naissent pour ne vivre qu'une seule journée. On les appelle les éphémères. Je me suis toujours dis que c'était triste de ne vivre qu'une journée, de naître pour mourir quelques heures plus tard. Et puis j'ai songé que certains vivent des milliers et des milliers de jours sans être heureux, alors que pour d'autres il suffit d'une journée pour trouver le bonheur. Tout dépend de ce que l'on décide d'en faire. 

Et j'ai choisis de ne pas passer une heure de plus à déprimer à cause de Manfred. Si les éphémères arrivent à trouver le bonheur dans l'unique journée de leur vie, j'ai envie de faire en sorte que toutes les journées que j'ai l'occasion de vivre le soit aussi.  

MAUDE 🐞

𝑴𝑨𝑼𝑫𝑨𝑳𝑰𝑻𝑬́Où les histoires vivent. Découvrez maintenant