Chapitre 16 : Questionnement

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Rena prenait l'air dans les jardins après cet après-midi un peu trop studieux à son goût. Cette session de lecture intensive s'était soldée par un léger mal de tête, mais après une bonne bouffée d'air frais, elle se sentait déjà mieux. Elle flânait dans le jardin de la Musique, reconnaissable à ses deux belles fontaines à la forme si particulière. La première représentait une amphore géante, l'autre un antique piano à queue dont le cadre submergé accueillait désormais un parterre de fleurs amphibies.

Toutefois, ce n'était pas pour cet instrument que ce jardin était connu, mais pour la mélodie jouée par l'orchestre aquatique de jets et de cascades d'eau. C'était une mélodie harmonieuse et apaisante, idéale pour retrouver la paix intérieure. Rena ferma les yeux pour s'imprégner de cette musique et oublier, le temps d'une chanson, ses craintes et ses suspicions. Elle sursauta lorsqu'une main se posa sur son épaule.

— Tu m'as fait peur ! souffla-t-elle en se tournant vers Ezarel qui avait l'air assez fier d'avoir trompé la vigilance de la gardienne de l'Ombre.

— Prendre un espion par surprise, c'est un comble, répliqua-t-il avec un sourire narquois. Ta réaction vaut tout l'or du monde.

— Parfois, je me demande si t'es vraiment un elfe, répondit Rena en soupirant.

— Pourquoi cela ?

— Les elfes sont censés être d'une grande beauté, élégants, et très raffinés. Et j'insiste sur le mot raffiné.

— C'est mon portrait tout craché ! Mais tu sais, personne n'a dit qu'on devait être gentil, ajouta-t-il avec espièglerie en se penchant vers elle, le visage fendu d'un large sourire sadique.

— Tu n'es pas méchant, tu es juste extrêmement pénible, rétorqua sa compagne en lui tapotant la joue avec un sourire tout aussi provocateur.

Vexé, Ezarel lui tourna le dos en croisant les bras. Rena poussa un soupir de consternation. C'était toujours comme ça avec lui. Il adorait taquiner et provoquer les gens, mais il était tellement susceptible qu'il ne supportait pas qu'on lui rende la pareille. Pourtant, il savait bien que Rena n'avait pas sa langue dans sa poche non plus. Amusée par la mine boudeuse de l'elfe, la jeune femme se remémorait leur première rencontre et les débuts houleux de leur relation.

                                                 ***

Environ un an plus tôt, on leur avait assigné une mission commune alors qu'ils ne se connaissaient presque pas. Ils s'étaient croisés quelques fois, sans jamais s'adresser la parole. Pourtant, ils s'étaient tous les deux trouvés embarqués dans une mission de plusieurs semaines. C'était une affaire d'ordre diplomatique qui les avait envoyés dans les Terres d'Encens pour négocier avec les hauts dignitaires du gouvernement autonome.

Eldarya avait beau être unifiée sous l'autorité d'un seul et unique roi, son régime fédéral reposait sur des traités fragiles qui menaçaient constamment d'être rompus. Le territoire et ses habitants étaient bien plus divisés qu'il n'y paraissait, et chaque région jouissait d'une certaine autonomie. Tous les faeries ne partageaient pas les mêmes mœurs, ni les mêmes coutumes, encore moins les mêmes lois, et la province était bien différente de la capitale.

Les gouvernements locaux étaient souvent en désaccord avec les décisions prises par le pouvoir central, il fallait donc faire preuve de tact et de diplomatie. En d'autres termes, c'était une mission digne d'un elfe. Si Rena devait faire équipe avec lui, c'était simplement pour lui servir de garde du corps, ce qu'Ezarel n'avait pas manqué de lui rappeler juste avant le départ.

C'était lui le chef de la mission, elle n'avait qu'un rôle mineur – pour ne pas dire inutile – ce qui sous-entendait qu'il attendait d'elle qu'elle reste à sa place et se contente de suivre ses ordres. Il lui avait même eu le toupet de prétendre qu'il n'avait pas besoin d'une Ombrette comme elle pour le protéger, allant jusqu'à essayer de la soudoyer pour qu'elle reste au Q.G.

Les Enfants de l'Oubli - TOME I : La ChuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant