Je regarde ma sœur, inquiète. Elle est sujette à des angoisses incontrôlables.
- Prune, ça va ?
Elle lève ses grands yeux noisettes ourlés de longs cils noirs vers moi.
- Je t'ai déjà dit de ne pas t'inquiéter pour moi.
Je la prends dans mes bras et caresse ses cheveux auburn.
- C'est mon rôle de grande sœur, non ?
- Pas quand tu veilles sur moi chaque heure que Dieu fait. C'est invivable, Miel.
J'adore l'entendre prononcer mon nom avec son petit accent italien. Mes parents m'ont donné ce nom en hommage à mon grand-père apiculteur. Il était français. J'ai de nombreuses origines, mon arrière-grand-mère était japonaise et mon arrière grand-père anglais. Mes parents se sont rencontrés en Italie lors d'un échange universitaire, ce qui explique que l'on vive ici à présent.
- C'est surtout invivable pour toi, je rétorque.
Albina, notre chat, s'installe sur les genoux de Prudencia. Nous l'avons appelée ainsi car elle est entièrement blanche. Ses ronronnements apaisants envahissent la pièce. J'observe la chambre de ma sœur, que je connais par cœur. Ses livres sont rangés par ordre alphabétique dans son immense bibliothèque rouge. Son piano, sur lequel ses doigts volent tels des papillons, se trouve juste en dessous de sa fenêtre. Et son lit, sur lequel nous nous trouvons, est recouvert par des baldaquins sombres. La sonnerie de la porte d'entrée retentit. Je scrute ma sœur.
- Tu attends quelq'un ?
Elle secoue la tête.
- Va ouvrir, je peux rester toute seule, tu sais.
J'hésite un instant mais la sonnerie se fait entendre une nouvelle fois et je descend pour ouvrir. Je tombe sur Rosie, vêtue d'une robe noire et d'un Boléro. Mon regard s'attarde sur ses talons d'au moins quinze centimètres.
- Jolis, hein, lance-t-elle comme si elle lisait dans mes pensées.
- Voyant, surtout.
Elle s'esclaffe et se jette dans mes bras.
- Comment tu vas ? Et Prune, elle va mieux ?
Nous discutons en mangeant des biscuits à la rose, spécialité de notre gouvernante, Maria.
- Tu comptes revenir à la fac un jour ? Ou tu as abandonné tes rêves de devenir créatrice de mode ?
- Rosalia Ana Line, je ne veux plus devenir styliste depuis mes dix ans.
- Hum, dommage, je t'y voyais bien. Et arrête de m'appeler par tous mes prénoms, tu veux ? Je déteste ça.
Hors de questions, j'adore la mettre hors d'elle.
- Bon, venons en aux faits. Est ce que tu as toi aussi reçu un mystérieux message...une invitation au manoir Graham ? Parce que j'imagine que ce n'est pas toi qui m'invite dans un manoir dont tu ne connais pas l'existence...
Je suis surprise. Ma famille ne possède pas de manoir. Je m'empresse d'aller voir dans notre boîte aux lettres, et en sort une enveloppe bordeau.Miel Graham,
Vous êtes conviée au manoir Graham
pour un séjour que vous n'oublierez pas de sitôt.
Nous avons hâte de vous rencontrer, chère cousine.
Avec tous nos sentiments distingués,
Les Graham.
🥀Est ce que c'est une mauvaise blague ?
Un manoir ? Un séjour en famille ? Des cousins inconnus ?
- Tu es sûre que tu n'as pas de la famille que tu ne connais pas ?
- Mes parents sont tous les deux enfants uniques, Rose.
Je remarque que le sceau apposé sur l'enveloppe est une rose semblable à celle qui orne la maison dans laquelle nous résidons. Étrange. Je n'y comprends absolument rien.
Rosalia me regarde dans l'espoir d'un renseignement mais je ne peux que lui faire un haussement d'épaule.
- Tu comptes y aller ?
Je réfléchis.
- Ça fait un peu psychopathe, non ? Je sais pas, il faut que j'en parle à Prune.
Justement, une fois revenue là haut, je montre l'enveloppe à Prudencia qui s'exclame aussitôt :
- Pas possible, toi aussi tu l'as reçue ?
J'arque un sourcil, étonnée.
- Tu ne m'en as pas parlé.
Elle hausse les épaules, repoussant ses cheveux longs en arrière.
- Je pensais que ce n'étais pas important, excuse moi.
Je lui fait signe que c'est oublié et je m'assoit à ses côtés.
- Tu ne trouves pas ça étrange ?
- Je ne sais pas, je crois que je suis assez curieuse.
Je réfléchis aux paroles de ma sœur. Des dizaines de questions tournent dans ma tête. Cela m'effraie, mais en même temps je crois que j'ai envie d'en savoir plus.
Le soleil est déjà couché depuis quelques heures lorsque ma mère rentre du travail. Elle est fatiguée, comme toujours, c'est une grande femme d'affaire qui doit s'occuper toute seule de nous la plupart du temps, mon père étant en déplacement. Je suis sur le balcon lorsqu'elle me rejoins. Elle s'assoit sur la chaise à mes côtés.
- Comment ça va, toi ? me questionne-t-elle.
Elle passe sa main dans mes cheveux, j'aime qu'elle fasse cela, je redeviens aussitôt la petite fille qui se blotissait dans ses bras.
- J'aimerai te poser une question... Est-ce que tu as de la famille du côté de Villanova d'Asti ?
Elle se crispe soudain, attisant ma curiosité encore plus.
- Pourquoi ?
Et comme je hausse les épaules, elle continue :
- Je n'aime pas beaucoup cet endroit... Mais non, pas à ce que je sache, désolée ma chérie.
Elle se lève, m'embrasse tendrement et disparaît derrière la baie vitrée.
Tout cela commence à être vraiment étrange.***
Une fois dans mon lit, alors que je m'apprête à m'endormir, je sais ce que je dois faire.
Je vais y aller.
Je vais rencontrer ma "famille".
Je vais résoudre ce mystère.
Je vais trouver les réponses à toutes ces questions.
Je tourne et retourne l'enveloppe entre mes doigts, effleurant son papier épais et rugueux, son sceau de cire si parfait...
Il y a quelque chose qui cloche. Pourquoi nous inviter nous, ma sœur et moi, mais pas notre mère ? Et pourquoi ne pas nous dire la vraie raison de cette invitation, plutôt que de prétexter un séjour en "famille" ?
Ma boîte crânienne est en surchauffe. Je ne comprends absolument rien. Je décide de laisser tomber, je n'arriverai à rien ce soir. Après tout, c'est peut être juste des cousins éloignés qui veulent nous rencontrer... C'est sur ces réflexions que Morphée m'accueille dans ses bras.***
Premier chapitre, qu'en pensez vous ?
Avez-vous des hypothèses sur ces fameux cousins très étranges ? J'ai hâte de vous présenter la suite !
Merci beaucoup pour votre soutien !
🌹🌹🌹
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Toutes nos roses fanées 🥀
RomanceMiel Graham ne croit plus en l'amour, faute à une relation toxique dont elle a subi l'emprise pendant des années. Prudencia, sa sœur, souffre d'angoisses terribles et de migraines incessantes qui hantent sa vie. Adam Sullivan a toujours cru ne pas...