Un amour entre deux mondes

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Ivann

Je mets un temps fou à retrouver mon chemin pour aller vers le café. Je  marche en regardant mes pieds sans réellement me repérer, sans jamais  avoir la foi de retrouver mon chemin. Je suis vide. Mon cœur tambourine  dans le néant alors que j'encaisse la mort de Pablo sans pleurer. Il se  comprime sur lui-même lorsque je revois nos souvenirs, son rire ou  chaque jour de notre formation ensemble. Il ne méritait pas cette fin.  Encore moins dans le but de me sauver moi...

Finalement, je ne suis  plus sûr de souhaiter à Alison d'être quelqu'un d'important dans un  quelconque monde parce que nos amis finissent toujours par se sacrifier  pour nous.

Dans le sac de Pablo, j'ai trouvé des vêtements de civil  que j'ai mis pour ne pas me montrer en tant que militaire dans les rues  peu sécurisées de Londres. Je les ai ensuite abandonnés dans une  poubelle dans laquelle j'y ai mis le feu. En fouillant le contenu, j'ai  vite compris que Pablo était parti de la base en se disant qu'il n'y  reviendrait pas. Son attitude silencieuse devient tout de suite normale  lorsque je comprends qu'il a tout fait pour m'écarter de lui le plus  possible dans le seul but que je ne prévoie pas ce qu'il avait en tête.  Ou pire, que je l'arrête.

Il s'est armé, il s'est habillé puis il  est monté dans ce fichu véhicule en étant prêt à mourir dans cette  explosion. Il s'est sacrifié pour moi. Et je n'arrive pas à savoir  pourquoi il a pris une telle décision. Parce qu'il savait la mort qui  l'attendait. Il savait qu'on aurait pu s'enfuir tous les deux même si la  chasse à l'homme aurait été très risquée. Et tout ce que je vois, c'est  que je n'ai pas su prévoir son suicide.

Pablo est mort...

C'est la seule phrase qui passe et repasse dans ma tête sans jamais en  sortir. En revanche, ce n'est pas elle qui prend le plus de place, mais  c'est celle qui l'on appelle la culpabilité.

Tout est de ta faute.

Il est mort parce que tu n'as pas su prévoir ce qu'il avait en tête.

Il était prêt à mourir pour toi et en échange, tu devais tout faire pour le garder en vie.

Il s'est tué pour que tu restes en vie.

Tu as son sang sur les mains.

Elle me crache même pire à la gueule.

C'est toi qui l'as tué...

Je marche depuis deux heures, l'air autour de moi se réchauffe et dans  ma main, serrée depuis que je me suis changé, un papier plier est  prisonnier à l'intérieur. C'est une lettre de lui. Je n'ose pas l'ouvrir  depuis que j'ai commencé à mettre mes jambes en marche.

Je déteste l'idée que ce soit ses derniers mots.

Je déteste le fait qu'il soit mort alors que j'avais pour mission de le sauver de tout.

Parce que lire son dernier message, c'est réaliser l'évidence qu'il n'y en aura jamais d'autres.

Je m'arrête d'un seul coup avec le besoin viscéral d'ouvrir ce papier.  Je me mets à trembler quand je l'apporte dans mon champ de vision. Le  temps passe alors que ma vue devient floue à cause de mes larmes que je  ne retiens plus. Pablo a écrit à la va-vite avec un stylo noir qui a  fini par baver à la fin de ses mots. Je l'imagine l'écrire. Je l'imagine  vivant à mes côtés, une main sur mon épaule pour me montrer que je ne  suis pas seul dans cette merde sans nom.

Mes doigts ont du mal à  ouvrir le papier entièrement, mais lorsque c'est fait, je penche ma tête  vers le ciel pour réprimer tous mes sanglots. Je renifle un bon coup et  lis enfin ce que mon ami n'a pas eu le temps de me dire.

Entre deux mondes  |Tome 3.25 de La Silencieuse, Lexis et Ivann|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant