Entre deux mondes |Tome 3.25 de La Silencieuse, Lexis et Ivann|

Proposition tentante

Lexis

Ça doit faire la cinquième fois que je viens ici dans ce café dans le  seul but de le voir. Je suis en retard et lui aussi visiblement. Lorsque  je rentre, notre table est prise et je m'installe sans faire  d'histoires sur la plus proche du comptoir. Ivann ne tarde pas. Je le  remarque avec sa voiture blindée que seule les policiers ou les  militaires sont habilités à conduire. Autrement dit, il ne passe pas  inaperçu.

Mais en entrant, Ivann ne me remarque pas.

Contrairement à toute personne normale qui aurait interpellé son ami, ou  peu importe ce que nous étions, moi, je me fonds dans la masse pour pas  qu'il me voie. J'y arrive à la perfection parce qu'il se met à faire demi-tour. Je crois presque rêver.

Ivann pense que je ne suis pas venue ou que je suis déjà repartie de par son absence dans le café ou à l'entrée de l'enseigne, comme il m'attendait  tous les jours. Ce militaire n'a visiblement pas remarqué ma moto cachée entre les voitures. Je souris malgré moi... Parce que je comprends assez vite que si  je n'étais pas présente à chacun des rendez-vous, Ivann ne prendrait même pas la peine de venir commander  quelque chose pour le manger ou le boire en chemin.

Je repose mon  livre et laisse mes affaires sur ma chaise. À grande enjambé, je le  rattrape sans peine. D'un pas silencieux, je le suis quasiment jusqu'à  sa voiture, mais les vitres teintées finissent par me trahir et par  refléter mon image derrière lui. Ivann s'arrête, sourit puis baisse la  tête, visiblement amusé.

-Pas très observateur, soldat. Dis-je d'un ton amusé.

Ses yeux verts tombent dans les miens et mon sourire se transfère sur ses lèvres.

-Pourquoi te cacher aussi ?

-Je voulais voir si tu me verrais.

-Il faut croire que tu es plus forte que je ne le pensais.

Je souris plus amplement à son compliment voilé.

-Un chocolat chaud ?

Je baisse les yeux, contente qu'il me le propose.

-Avec plaisir.

J'ai rarement eux des discussions normales sur la pluie et le beau  temps, je trouvais ces banalités ridicules pour une personne comme moi.  Mais avec Ivann, les choses étaient... Différentes.

Tout était plus normal et moins étrange. Je devenais moins moi.

Je me transforme en personne civilisée qui n'agresse pas les intrus ou  qui ne monte pas la voix dès que quelque chose lui déplaît.

Je laisse couler.

Je lâche prise.

C'est dangereux, risquer et franchement bête de choisir un militaire  pour me laisser aller, mais quelque chose en moi ne choisit pas ce genre  de chose. En un sens, ça m'attire encore plus à lui de me demander pourquoi Ivann et pas un  autre.

Il me parle de tout et de rien et je fais de même.

Ivann est devenu une bulle à l'intérieur même de mon monde pour me  donner un peu de calme, un semblant de vie normale pendant quelques  minutes, qui semblent durer au fils des rendez-vous chaque semaine, pour se transformer en heures. Et Ivann ne  semble pas s'en plaindre, et moi non plus.

Mais cette fois quelque  chose cloche, de son côté. On dirait qu'il est crispé, tendu. Inquiet  par quelque chose qui semble vouloir me cacher. Je me demande un instant  si c'est poli de l'interroger ou de le mettre sur le faite accomplie.