La Porte des Enfers

Chapitre 13

Thomas émergea de son profond sommeil se retrouvant au milieu d'une bataille sur laquelle il ne pouvait avoir aucune incidence. Cette guerre était celle du jour contre la nuit. Le soleil donnait au sable sa chaleur pour lui permettre d'affronter la nuit qui elle aspirait en chaque grain le moindre petit degré qu'il avait emmagasiné. Le vent aidait la lune en participant au ressac de cette mer de dunes. C'est ce refroidissement qui avait sorti Thomas de de son état végétatif.  Transporté d'un volcan à un désert, il se retrouvait seul avec Lynn et une dizaine de questions. Notre héros n'avait jamais autant voyagé, jamais vu tant de paysages, si différents de ce à quoi il était habitué à la ferme et cette pensée assombri son esprit. S'il avait quitté les enfers, alors il ne pourrait pas ramener ses parents, il se refusait à accepter cette idée.

"Dit moi qu'on a une autre pièce pour retourner voir Hadès !"

Thomas s'attendait à voir un millier d'émotions sur le visage de Lynn, mais pas des larmes. Ces dernières venaient s'échouer dans le sable. Elle aussi venait de dire adieu à un être chère nouvellement retrouvé. Laissant le dernier membre de sa famille dans l'autre monde, elle avait traversé le portail d'Hécate en portant l'Homme sur son dos. Son frère lui avait indiqué le sud, Hilyrin. Là-bas la princesse des Elfs devrait y trouver un soutien politique et militaire. Le temps pressait, pourtant, cette nuit là aucun pas ne fut fait. L'heure était au deuil. Et difficile de faire le deuil d'un être qui nous semble encore vivant. Comment laisser partir un être qui paraît pourtant encore atteignable. Allongé dans le sable, sans feu pour les éclairer, seul la bataille de cette nuit réchauffait un peu leur cœur meurtri. Les étoiles, elles ne pouvaient qu'illuminer leurs larmes. Entre deux sanglots, Lynn laissa échapper cette phrase :

"J'ai si mal au cœur... Comment peut-on vivre avec une tel douleur dans la poitrine..."

Thomas ne savait quoi répondre. En proie à ses propres démons, la nuit l'happât.

***

Chaque pas s'enfonçait un peu plus dans le sable, créant des avalanches pouvant emporter la plus grosse des fourmis à une mort certaine. L'ardent soleil brûlait tout autre forme de vie. Trois jours durant, nos aventuriers ne cessèrent d'avancer, s'enfonçant de plus en plus dans la mer de dunes. La nuit aucune étoile n'était présente, seule une lune bleutée et le vent hurlant les accompagnaient dans leur périple.
« Franchement... elle aurait pu nous déposer... plus près de la civilisation...
-Là-bas... » répondit Lynn. Après s'être installé sur la plus haute dune des alentours, elle avait pu voir une forme de vie humanoïde immobile les fixant à l'ombre d'une protubérance rocheuse. Trois longues heures de marchent les séparaient.

***

Face à eux ne se trouvait pas un être-vivant mais une statue de marbre d'un blanc immaculé. La sculpture représentait une femme ayant pour seul habit un linceul qu'elle maintenait de son bras gauche. Son bras droit, lui, était gracieusement tendu vers l'avant, paume vers le ciel, invitant ainsi chacun à apposer sa main sur la sienne. La pureté de ses formes appartenait plus au divin qu'au mortel. Nulle peuple n'était en mesure de réaliser une statue aussi parfaite, ce qui intrigua Lynn qui déposa délicatement sa main sur celle de la statue, tentant d'entrelacer ses doigts avec ceux de cette femme inanimée. Thomas était perdu dans l'intense regard de ce chef-d'œuvre, bloqué, sondant l'insondable puisqu'aucun Homme ni Dieux ne pouvait lire les pensées d'une sculpture. Ce dernier finit par poser sa main sur celle de la statue et en un millième de seconde il senti son esprit projeté dans le ciel. Là-haut il ne vit pas d'image, n'entendit pas de son et pourtant il savait. Toute l'histoire du Royaume des sables était imprimée dans sa mémoire. De la diplomatie aux guerres intestines, de la naissance au matricide, de la fête aux larmes, de la fondation à la chute. Face à lui se tenait désormais Hilyrin. Femme aux regard intense. Ses mains coururent sur le long du corps de Thomas jusqu'à attraper l'émeraude qu'il avait. Elle la pris entre ses mains et fit passer sa couleur de vert à blanc. L'Homme savait ce qu'il devait faire. Il joint ses mains à celles de la reine, insufflant une pulsion d'encre noire au milieu du cristal. Elle décousu un morceau de son linceul avant de le rouler sur lui même pour y accrocher la pierre. Ses mains s'enroulèrent autour du coup de l'Homme pour y accrocher la parure. Elle approcha lentement ses lèvres jusqu'à ce qu'elle touche celle de Thomas. Ce baiser le fit redescendre dans son corps.
« ça va ? » demanda Lynn et approchant ses mains du collier nouvellement acquis. Elle qui n'avait pas assisté à ce millième de seconde ne pouvait se douter de ce qui allait se passer. À peine ses doigts sur le cristal, qu'elle sentit sous sa gorge la pointe d'une lance. Hilyrin était là, flottante derrière l'épaule de son protégé. Elle tenait fermement de sa main droite un long esponton en or ayant trois plume blanche tacheté d'un rouge vif entre la hampe et la pointe. L'Elf recula instinctivement, et la statue se mit à bouger. Sa main droite pointait désormais vers le ciel. Y avait-il un mécanisme dedans ? Ou de la magie était-elle à l'œuvre ? Mais c'était tout. Elle avait effectué un simple mouvement et était redevenue immobile. Thomas expliqua à Lynn ce qui venait de se passer, tout deux était d'accord pour passer la nuit abrité par la protubérance rocheuse. À peine la lune avait commencé à monter dans le ciel que la statue se remit à bouger, cette fois-ci elle leva les deux bras en l'air et les abaissa brutalement. La l'astre nocturne repris une couleur blanche et les étoiles réapparurent une à une. Le sable se mit à trembler, faisant s'enfoncer puis disparaître l'abris rocheux. L'être inanimé se mis à s'effriter jusqu'à n'être plus qu'un simple t'as de cendre.