Karavel

Chapitre 1

La nuit froide et sombre est tombée sur le village de Cotane. Ses habitants dorment depuis longtemps, bercés par la mélodie de la pluie qui se déverse sur les routes. Karavel regarde sa montre pour la énième fois avant de s'avachir sur sa chaise.

Par la baie vitrée de la bibliothèque, elle voit le déluge à l'extérieur, illuminé par les réverbères aux teintes orange. Le vent souffle avec une telle violence qu'elle peut l'entendre à l'intérieur. Le ciel se zèbre d'éclairs qui projettent une lumière crue sur les rues désertes. Des grondements de tonnerre font vibrer les vitres fines et anciennes de la bibliothèque.

La jeune femme se passe une main dans ses cheveux aussi noirs que la nuit devant elle et soupire. Les seaux d'eau placés sous la toiture vétuste se remplissent rapidement. Elle prend un moment de répit pour reprendre son souffle.

"Arrête, petite pluie, tu vas finir par abîmer mes livres."

Karavel pose son front sur la vitre froide, espérant que le ciel puisse l'entendre. En réponse, un coup de tonnerre assourdissant éclate, suivi d'un éclair si intense qu'elle recule de la baie vitrée. Elle porte la main à sa poitrine, croyant avoir aperçu une silhouette dans la lumière aveuglante.

Se giflant gentiment les joues, elle se force à rassembler son courage.

"C'était vraiment une mauvaise idée de regarder ce film d'horreur ! Je le savais !"

Maudissant ses amis en pensant à la veille, Karavel retourne auprès des seaux d'eau sur le point de déborder. Elle les saisit et ouvre la porte principale de la bibliothèque pour les vider sur la route. Quelques secondes suffisent pour qu'elle soit trempée de la tête aux pieds, sa frange plaquée contre son front. Elle s'essuie le visage avec des mouchoirs sur le comptoir.

Dos à la porte, elle sursaute lorsque la petite clochette retentit. Elle attrape son coupe-papier posé sur sa droite comme une arme de défense. Lorsqu'elle se retourne, peu rassurée, elle se fige.

L'arme de défense toujours en main, elle la pointe vers un homme imposant qui se tient devant la porte qui fait rentrer le vent par l'ouverture. Son long manteau sombre laisse ruisseler des gouttes d'eau sur le parquet.

''Je vous ai fait peur, j'imagine'', commence l'homme en retirant sa capuche. ''Je cherche une dépanneuse depuis un moment et je n'ai vu que votre boutique allumée."

"Pour m'avoir surprise, c'est sûr.'' dit-elle d'un ton froid.

Elle pose son coupe-papier sur le bureau pour apporter le petit paquet de mouchoirs à l'homme. Il le prend avec un sourire qui semble sincère. Comme Karavel quelques instants plus tôt, il s'essuie le visage pour enlever la pluie.

''Une dépanneuse à cette heure de la nuit sera difficile à trouver."

"C'est bien ma veine de tomber en panne maintenant'', soupire-t-il en mettant le mouchoir dans sa poche. '' Je suis encore loin du domaine de la famille Bowen ?"

"Le domaine ?'', s'arrête la jeune femme. "Que voulez-vous faire au domaine de cette famille ?"

Un autre coup de tonnerre perce le ciel, qui fait sursauter plus que de raison Karavel.

''Peut-être y déposer bagages ?'' se met-il à rire. ''Je me présente peut-être tardivement, je suis Dean, le fils cadet de la famille Bowen.''

L'homme s'avance pour une poignée de main, qu'elle saisit avec plus d'aisance. L'homme nommé Dean jette un regard vers l'arrière de la boutique avec un léger sourire.

''Vous avez besoin d'aide ?"

"Oh, je vais bien y arriver. C'est comme ça à chaque fois qu'il se met à pleuvoir. Un jour j'aurais peut-être les subventions pour faire réparer la toiture.'' se lamente-t-elle en regardant dans la même direction.

Un léger silence s'installe dans la pièce, seul le bruit distinct du vent et des gouttes qui tombent dans les seaux déjà prêt à être encore une fois vidé. Elle s'avance vers l'un d'eux suivie par Dean qui vient le prendre à sa place.

''Vous pouvez attendre ici si vous le souhaitez. Je ne suis pas sûr que ça va se calmer tout de suite. Puis Marcus est certainement déjà bien alcoolisé et ne sera pas en état de vous dépanner. Ma conscience ne me permet pas de vous laisser partir sous cette pluie."

"Je vais accepter volontiers cette proposition. Au moins je peux vous aider pour ses quelques heures.'' se presse-t-il à jeter à l'extérieur le sceau. ''Je pensais pouvoir arriver avant que ça commence'' avoue l'homme.

"Apparemment non.'' dit-elle amusée. ''Karavel, et nous pouvons peut-être nous tutoyer je pense.''

"Enchanté, tu es ma sauveuse pour cette nuit alors.''

Elle lui adresse un sourire poli. Attrapant quelques livres en bas d'étagères qui ont subi de légères éclaboussures. Installer sur une des tables qui sert aux peu de personnes qui viennent encore ici pour lire sur place.

"La petite sirène ?'' prend Dean dans ses mains le livre assez vieux aux coins abîmés. ''La morale de ce conte est bien plus noir que celui des enfants.'' souffle-t-il en le manipulant.

"Dans chaque conte de fées, il y a son histoire dramatique. Arielle en est bien la preuve.''

"Je trouve ça bien dommage.'' s'aligne-t-il sur les mots de Karavel.

"Ce que je trouve dommage dans cette histoire, c'est que cette femme a voulu croire qu'en changeant elle serait acceptée par amour.'' Elle reprend le livre pour pouvoir l'essuyer correctement. ''Tu aimes lire Dean ?''

"Enfant, oui. Mais j'en ai perdu l'habitude en grandissant. Ça fait longtemps que je n'avais pas touché à un conte.''

Karavel s'éloigne vers les étagères remplies, avec son doigt elle parcourt la longue liste avant d'en sortir un de son emplacement et revenir vers Dean qui la regarde de loin.

"Ce n'est pas un conte, mais plutôt une petite nouvelle. Il est particulièrement attachant, chaque fois que je le lis, je ne sais pas comment m'arrêter. C'est mon cadeau de bienvenue dans notre petit village Dean.''

Il la remercie avant de le tourner des deux sens pour le mettre dans la poche interne de son blouson.

"On dirait que ça s'est calmé'' ajoute le brun qui part en direction de la baie vitrée. ''Effectivement, il ne pleut plus. J'étais ravi de te rencontrer Karavel, je pense qu'on se reverra bientôt alors.''

"Il est compliqué de ne pas se croiser ici.'' rigole-t-elle. ''Peut-être que nous nous reverrons très vite. Tu vas être populaire d'ici quelques jours.''

"Comment ça ?''

"Il y a peu de nouvelles têtes dans le coin. Tout est un sujet de conversation et de ragots. Bienvenue à Cotane'' alors qu'elle lève une main pour faire signe de départ à l'homme.''

La clochette retentit quand il sort. Elle ne voit plus que son dos éclairé par les réverbères.

''Étrange comme nuit.'' se dit-elle à voix haute. ''Bon, je termine ça. Direction mon lit après !''

~
Salut !

Si cette histoire peut plaire, j'aimerais beaucoup vous la proposer dans le futur.

Comme vous l'avez lu, ce n'est pas mon style habituel, je tente un petit changement dans l'écriture ainsi que ma vision des protagonistes !

N'hésitez pas à me le dire ! Tout les avis sont bons à avoir !