Karavel

Chapitre 14

Un peu plus tard dans l'après-midi, elle s'effondre sur l'estrade, assise en tailleur sur le plancher froid. Tout en souriant, elle se sent fière d'avoir réussi.
Elle vide la totalité de ses poumons pour calmer son excitation.

''Je peux enfin rentrer et regarder mes nouvelles trouvailles !'' s'appuyant sur ses mains pour se relever et venir fermer la salle après avoir fini de la nettoyer.

Sur le chemin du retour, ses yeux s'arrêtent sur les maisons qu'elle aperçoit. De pierres en pierres et de différentes couleurs, qui se fondent dans le village de Cotane à la perfection.
Tout en cherchant la maison du journal du regard, mais ne la trouve pas sur ce chemin.

Arrivée à l'entrée de sa maison, ses pas résonnent sur les marches en pierre quand elle pose la main sur la poignée.
La bibliothécaire lance ses clés sur le meuble d'entrée près de la boîte à musique, tout en retirant son soutien-gorge dans un souffle de bien-être lorsqu'il tombe au sol. Levant les épaules, le rangeant avec son pied plus loin. Elle attrape son carnet qui a été laissé sur sa table à manger, et l'emmène jusqu'à son lit. Tout en se couchant dans ses draps, elle l'ouvre pour retrouver ses marques. Les quelques pages raturées de plusieurs couleurs défilent sous ses yeux mi-clos de fatigue après cette journée chargée.
Dans un murmure, elle répète le nom de Sam comme si celui-ci allait apparaître jusqu'à ce que le sommeil l'emporte.

~~*~~

Les murs délabrés aux tapisseries déchirées s'étendent sur toute leur longueur. La luminosité vacille tandis que Karavel marche pour rejoindre les pleurs qu'elle entend avec l'impression de faire du surplace. Elle passe trois fois de suite devant la même bougie sur son socle de verre contre le mur. Celle-là même qui éclaire le couloir et projette son ombre noire comme une présence difforme.

La flamme danse alors que l'endroit devient étouffant. En repassant une fois de plus devant, une petite silhouette semble l'attendre près de la bougie. Karavel avance plus vite pour la rejoindre, et la silhouette se précise au fur et à mesure qu'elle s'en approche. À sa hauteur, un enfant vient lui prendre la main.

Sans voir son visage, elle ne distingue que le haut d'un crâne chauve avec une longue cicatrice, avec une robe ouverte dans le dos. Elle suit l'enfant, pas après pas, quand la luminosité de la bougie s'estompe. Dans le noir, les pleurs se font entendre juste à ses côtés, brisant le silence.

Un nouveau bruit sourd et étouffé se fait entendre. La jeune femme à l'impression de sentir un liquide chaud et spongieux qui lui coule entre les doigts à mesure qu'elle serre la main de l'enfant. Tandis que le son se fait plus strident, plus clair.

"On ne fait pas de bêtises, James. Ne te l'ai-je pas déjà dit ?", entend-elle, tandis qu'un souffle âpre à l'odeur d'éthanol vient s'écraser contre son visage.

Elle entend des gémissements, et la main qui la tient glisse pour la lâcher d'un coup. Incapable de bouger, comme si ses chevilles étaient entravées. Le bruit strident s'approche de son oreille, comme un son d'appareils médicaux. Karavel essaie de se défaire des liens invisibles quand le souffle à l'haleine fétide, claque contre son front, la pétrifiant. Maintenant allongée sur une surface dure et froide, elle ne remarque que le sourire tordu éclairé par la lueur de la bougie contre le mur qui éclaire partiellement le visage caché par un voile noir.

"Je déteste les vilains enfants", s'écrie une voix féminine forte au ton rauque, laissant des postillons venir sur les lèvres de la jeune femme.