La voiture s'arrêta juste devant le siège du Ministère des Forces Armées. Le commandant Nicolas Lebronac fit claquer la portière derrière lui, après avoir brièvement remercié le conducteur.
Il faisait gris, aujourd'hui – ce qui était devenu une habitude, à Nouvelle-Mérest. Le Destructor leva la tête vers les colonnes blanches qui maintenaient le tympan richement décoré, qui représentait le couronnement d'un roi – probablement béni, en raison de la présence d'anges tout autour du monarque. Le magicien-médecin ravala le dégoût qui lui brûlait le gosier : même s'il se présentait comme patriote de la première heure, en dépit de ses origines, il exécrait de toute son âme Marius IV et son règne chaotique et génocidaire. Le fait qu'une telle figure pouvait profiter d'une telle œuvre, même plusieurs centaines d'années plus tard, le dépassait totalement.
Le siège du Ministère des Forces Armées ressemblait à un temple ancien, qu'il hésitait à profaner. Le magicien-médecin monta les marches en marbre qui menaient à une large double porte en fer forgé, qu'il ouvrit sans difficulté. Le commandant Nicolas Lebronac pénétra dans un hall spacieux, plongé dans un silence presque sacré qu'il brisait par sa seule présence, en marchant lentement contre le sol en marbre luisant. Le Destructor se dirigea vers le comptoir, où un secrétaire tapait furieusement sur une machine à écrire. Quand l'homme, approchant la cinquantaine et au crâne entièrement rasé, leva la tête vers lui, ses petits yeux s'écarquillèrent de stupeur. Le fonctionnaire se redressa immédiatement de sa chaise, le dos droit – presqu'au garde-à-vous. Il portait une simple chemise marron à carreaux, ainsi qu'un pantalon plus sombre. Le magicien-médecin resserra sa redingote bordeaux, d'une seule main.
— Monsieur le commandant, balbutia l'homme, en s'agitant. C'est un honneur de vous accueillir ici. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au cœur du Ministère des Forces Armées. Que puis-je faire pour vous aider, votre Grandeur ?
— Je vous remercie, Monsieur, se contenta de répondre le Destructor. J'aimerais accéder aux archives du Ministère. Dès aujourd'hui.
— Aujourd'hui, votre Grandeur ? J'ignore si cela va être possible, voyez-vous... en effet, l'archiviste en chef...
— J'aimerais que vous m'ouvriez les portes des archives, le coupa sèchement le magicien-médecin. Au plus vite.
— B-bien sûr, votre Grandeur, articula l'homme, d'un air gêné. Permettez-moi juste...
Il se rassit brutalement, puis attrapa un combiné, qu'il cala contre son oreille à l'aide de son épaule. L'homme composa un numéro en vitesse, ses doigts pianotèrent sur les touches de l'appareil, de couleur rougeâtre. Le Destructor patienta en silence, sans lâcher le fonctionnaire du regard – ce qui, visiblement, mettait mal à l'aise l'homme en question, qui fit pivoter sa chaise afin de briser le contact visuel.
— Stéphane à l'appareil... bonjour, Tina. Peux-tu me dire si monsieur Filpilin est revenu de sa réunion ? Ah, bon, d'accord... c'est parce que je suis devant une personne qui aimerait accéder aux archives, tout de suite... et ce n'est pas n'importe qui, je me vois mal... Élisabeth est là ? Elle peut le recevoir ? Superbe, c'est superbe. Merci beaucoup, Tina. Au revoir. Bonne journée à toi.
Il raccrocha. Son visage rayonnait.
— Suivez-moi, je vous prie, votre Grandeur, l'interpella le fonctionnaire en faisant le tour du comptoir. Je vais vous mener jusqu'au secteur des archives.
Le Destructor hocha la tête en guise de réponse. Tous les deux gravirent un escalier en colimaçon, aux marches immaculées, qui longeait le mur. Le magicien-médecin admira les peintures qui accompagnaient leur progression, qui représentaient majoritairement d'anciens régents de la République de Talentie. Sa main droite se pressa davantage sur la poignée de sa mallette. Le fonctionnaire s'arrêta devant une large porte en ébène, à deux battants, puis pirouetta vers le commandant.

VOUS LISEZ
Hôte & Parasite
Fantasía« Il y a trois possibilités : ou on naît Destructor, ou on naît Manipulator, ou on naît simplement Homme, mais Homme libre. » La Talentie est un pays déchiré par la guerre civile. Kim Wikson, un jeune homme plein d'ambition, décide de prendre les ar...