CHAPITRE DIX-SEPT

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 Il avait l'impression qu'on avait rempli son crâne de boules de coton.

Les paupières de Kim se soulevèrent difficilement. Un râle brisé s'échappa de ses cordes vocales. Sa gorge déshydratée l'incendiait. Alors qu'il essaya de soulever son bras, la douleur le foudroya : le Dépourvu gémit pitoyablement, les yeux sur le plafond gris de sa chambre – enfin, de la chambre qu'il occupait à la caserne de Villeneuve-lès-Révérends.

Sa tête lui tournait. Il avait envie de vomir. Il arriva tout de même à se redresser, avec lenteur et avec beaucoup d'efforts, la couverture rugueuse qui le recouvrait glissa. Son corps nu – le jeune homme était uniquement vêtu d'un sous-vêtement en lin – était couvert de bandages. Kim frôla la gaze qui entourait sa cuisse, à l'endroit où on lui avait tiré dessus – même s'il ignorait quand cela s'était passé, exactement. Concernant les autres blessures, Kim n'arrivait pas à se remémorer comment il avait pu les recevoir.

Le Dépourvu se concentra, malgré la migraine lancinante qui déchiquetait son cerveau, mais impossible pour lui de se rappeler de ce qu'il s'était vraiment passé, au massif des Ferdagung. Le dernier souvenir qu'il conservait fut l'instant où il avait perdu connaissance. Kim se coucha avec lenteur, sachant pertinemment que le magicien-médecin n'allait pas tarder à venir pour l'ausculter. Ses yeux le brûlaient.

— Oh, enfin réveillé ?

Il sursauta quand cette voix inconnue – mais pas totalement – surgit de nulle part. Le Dépourvu retint un cri quand ses yeux se posèrent sur une silhouette, assise sur une chaise et le coude posé sur une table en sale état – les seuls meubles qui composaient sa chambre, avec son lit –, alors que Kim était persuadé qu'il n'y avait personne, il y a moins de dix secondes de cela.

Ses yeux s'écarquillèrent. Son cœur cessa de battre pendant une seconde.

C'était lui, sans réellement être lui.

Cette version de lui-même qui l'examinait avait les yeux gris, gris comme le pelage d'une souris, gris comme les nuages qui pleuraient sur leur triste monde. Ses cheveux étaient de la même couleur, bien plus longs que ceux de Kim, frôlant ses larges épaules, mais tout aussi hirsutes. Sa peau était si blanche, si immaculée, qu'elle en aveuglait presque le Dépourvu. Il était habillé des vêtements habituels du Dépourvu, c'est-à-dire un simple haut noir à manches courtes et d'un cargo, noirs. Ses pieds étaient étonnamment nus.

Son double gris et blanc lui adressa un sourire, un rictus sardonique et pernicieux.

— Bien dormi, Kim ?

— Qui es-tu ? s'écria le Dépourvu, assujetti par la panique.

Son sosie laissa échapper un rire narquois.

— Je suis toi, et tu es moi, lui expliqua-t-il avec une certaine lenteur. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

— Arrête tes conneries ! D'où tu sors ? Il n'y a que moi qui suis... enfin...

— D'accord, d'accord, soupira son double avec exaspération. D'accord, Kim, tu as gagné. Appelle-moi Naito, tu veux ?

Le Dépourvu l'observa. Il était en plein cauchemar, il en était persuadé : Kim se pinça à plusieurs reprises, mais sans succès. Naito le remarqua, et rit de nouveau. Il resta bloqué dans ce délire affligeant. Son cœur s'affola si fort que cela lui fit mal à la poitrine. Le jeune homme voulut crier à l'aide, mais sa langue était aussi lourde que du plomb.

Naito se leva enfin, puis se dirigea avec paresse vers le blessé. Kim remarqua que son double ne faisait pas de bruit quand il se déplaçait. Il se planta devant le Dépourvu et pencha son visage vers lui, son regard mauvais planté dans les yeux effrayés du jeune homme. Naito gloussa.

Hôte & ParasiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant