09 - Alexandre

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Ce n'est pas gagné, Matéo a sa tête des mauvais jours. Alexandre soupire. Avec Avel et Alana, son frère est sage comme une image. Jamais un mot plus haut que l'autre, toujours obéissant. Et même si ça pourrait être une bonne chose, Alexandre sait que la retenue du jeune garçon n'est pas naturelle.

Avec lui, en revanche, Matéo n'hésite pas à faire part de son mécontentement. C'est donc un gamin boudeur, bras croisés sur la poitrine, qui se plante devant lui.

— Avel m'a dit d'aller te parler. Malheureusement pour toi, il a pas précisé de quoi je devais te parler.

Un sourire presque machiavélique passe sur les lèvres du plus jeune, et Alexandre se retient de rire.

— Grave erreur, approuve-t-il. De quoi est-ce qu'on va parler, donc ?

— Il a dit : « Tu vas lui parler ». Donc toi, tu la boucles. C'est moi qui parle.

Alexandre songe que, si leur mère était là, elle reprocherait à Matéo son langage. Mais elle n'est plus là pour le faire, et lui n'a certainement pas envie de s'attirer les foudres de son frère.

— D'accord...

— Alyssa est gentille. Vraiment.

Alexandre jette un regard las à son frère.

— Cette fille est...

— Elle me parle, riposte Matéo, les yeux brûlants de colère. Alors tu vas être plus gentil avec elle !

— Tu la connais depuis aujourd'hui, Mat.

— Et en une journée, elle m'a plus parlé que toi en une semaine, Alexandre.

La façon dont Matéo prononce son nom, d'un air plein de défi et à la fois si triste, heurte le jeune homme. Ses épaules s'affaissent, il baisse la tête.

— Mat...

— Je veux qu'elle reste.

Alexandre se penche vers son frère et pose une main sur son épaule.

— Je sais que je suis pas toujours à la hauteur, Mat. Je le sais. Mais je fais de mon mieux...

Matéo recule. Il secoue la tête et, derrière sa colère, Alexandre distingue en réalité beaucoup de peine et d'angoisse.

— T'en prendre à un ivrogne au bar, c'est ça, faire de ton mieux ?

— Tu sais que je ne voulais pas...

— Sauf que ça, ça change rien ! s'écrie le gamin. Si on se fait virer d'ici parce que t'as cogné quelqu'un, ça nous fera une belle jambe, de savoir que t'as pas fait exprès !

Alexandre s'avance et attrape son frère par les épaules.

— Matéo, regarde-moi, exige-t-il.

L'enfant déglutit avant d'obéir.

— Je te promets qu'on ne sera pas virés. Avel ne nous renverra pas. Je te le jure.

— Le problème, avec les promesses, Alex, répond Matéo avec lassitude, c'est qu'on ne peut pas toujours les tenir. Surtout quand elles ne dépendent pas de nous.

Et avant qu'Alexandre n'ait pu dire quelque chose - mais quoi ? protester ? mentir ? - Matéo se faufile par la porte et disparaît à l'extérieur.

Le jeune homme serre les poings, étouffant la colère qu'il sent monter en lui. Il s'efforce d'inspirer et d'expirer calmement, comme Alana et Avel le lui ont appris.

Parfois, ça suffit. Le plus souvent, ça ne fonctionne pas.

Ce que souffle le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant