Presque des frères

11 5 0
                                    

Louis s'était enfui par la fenêtre. Bouche bée, Tony regarda en contrebas. Louis l'avait sauvé de la noyade, avait dîné chez lui, dormi dans sa chambre, et s'était enfui par la fenêtre.

— Mais quel idiot ! cria l'enfant.

Louis et lui s'étaient pourtant bien entendus. Pendant un moment, Tony avait même pensé qu'ils pourraient devenir amis.

Sauf que Louis était parti.

Tony descendit les marches et surgit dans la cuisine, sous le regard surpris de ses parents et de sa petite sœur.

— Il est parti, asséna-t-il. Il est aussi débile que les autres, je le déteste ! Je déteste le collège !

— Chéri... tenta sa mère.

Tony ne l'écouta pas. Bousculant sa sœur, il avala un verre de lait et le reposa vivement sur la table.

— Tony, calme-toi, ordonna son père.

— Tony, triste ? questionna sa sœur.

Elle le dévisageait de ses grands yeux bleus, et il n'eut pas le courage de l'envoyer bouler.

— J'aurais jamais d'amis, dit-il seulement.

— Ben si, t'as moi !

Tony secoua la tête.

— T'es pas mon amie, t'es ma sœur !

Il eut beau tempêter et crier, ses parents ne cédèrent pas : il était hors de question qu'il sèche le collège. C'était donc la mine sombre que Tony était arrivé en classe ce jour-là. Louis lui adressa un petit signe, mais Tony lui tourna le dos. Furieux et blessé, il refusa de lui adresser la parole. Dès que Louis faisait mine de s'approcher, Tony s'éloignait. Il ignora les grands qui se moquèrent de son air énervé, ignora l'air inquiet de la maîtresse, et ignora Louis.

Ainsi passa le reste de la semaine. Louis finit par abandonner, et le lundi suivant, Tony était aussi seul que d'habitude. À la maison, il se traînait d'une pièce à l'autre, déprimé. Au collège, il travaillait à peine. Ses parents avaient beau lui parler, tenter de le raisonner, rien n'y faisait.

— De toute façon, ça sert à rien, et je les déteste tous ! Tous ! Et vous aussi ! C'est votre faute si on est là !

Tout ce cirque, comme disaient les parents de Tony, dura exactement trois semaines et quatre jours. Jusqu'à ce que sa sœur s'en mêle.

Chaque soir, devant l'air triste de son frère, Lucie s'efforçait de le faire rire. Ça marchait rarement. Alors, elle prit le taureau par les cornes.

Ce samedi-là, Lucie était seule avec son frère. Tony lisait, refusant de jouer avec elle, le visage maussade. Lucie rassembla son courage et, veillant à ne pas faire de bruit, sortit à l'extérieur.

Louis n'habitait pas loin. S'il avait pu rentrer à pieds, sans doute le pouvait-elle aussi, avait-elle pensé, avec toute la naïveté d'une fillette de huit ans. Aussi commença-t-elle à marcher, emmitouflée dans son long manteau. Elle allait parler à Louis, Tony et lui redeviendraient amis, et tout irait bien.

Au bout d'un moment, pourtant, Lucie commença à douter du bien-fondé de son entreprise. Elle marchait depuis longtemps à travers champs, elle n'avait toujours pas trouvé la maison de Louis. Elle était gelée, et en plus, réalisa-t-elle, elle ne se souvenait pas du chemin pour rentrer. La petite fille se mit à trembler.

— Tony ? cria-t-elle, soudain paniquée.

Son frère, resté à la maison, ne risquait pas de l'entendre. En revanche, sortant le nez de son roman, il remarqua que quelque chose clochait. Sa sœur était étrangement calme, il ne l'avait pas entendue depuis longtemps. Soupirant, il se leva et l'appela.

Ce que souffle le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant