Elastic Heart

Chapitre 8 - Puis-je vous inviter à une danse ?

Je me prépare pour la soirée avec un soin, aidée de Sarah. Ce soir n'est pas comme les autres. J'ai décidé de vraiment jouer le jeu, de m'immerger pleinement dans ce monde de bals et de robes somptueuses. Madame Delacroix m'a confectionné une robe exceptionnelle, d'un beige doux et éclatant, avec des broderies délicates qui captent la lumière à chaque mouvement. En me regardant dans le miroir, je sens une vague d'excitation mêlée de défi montée en moi. 

Dans le carrosse, ma tante me lance des regards appuyés, me rappelant l'importance de bien me comporter ce soir. 

- Rappelez vous, Elena, une jeune dame se doit d'être exemplaire en toutes circonstances.

Mais au fond de moi, une petite voix me souffle de lâcher prise, de m'amuser, car j'ai un plan. Un petit jeu pour pimenter ma soirée et surtout, pour continuer à "jouer" avec le vicomte Bridgerton, avec qui j'ai établi une sorte de duel tacite. J'ai passé presque toute la nuit éveillée, à peaufiner chaque détail de ma stratégie pour le bal. Tandis que le carrosse roule vers le domaine des Bridgerton, je réajuste une dernière fois le tissu de ma robe, décidée. Ce soir, je serai la parfaite image d'une jeune fille de bonne famille, mais sous cette apparence, je jouerai mes propres cartes. Le jeu, après tout, n'en est que plus divertissant quand on y ajoute une pointe d'audace.

- Vous vous êtes apprêtée ainsi pour le vicomte ? demande ma tante avec une pointe de curiosité.

- On peut dire ça, oui, réponds-je avec un sourire en coin.

- Je savais bien qu'il commencerait à vous plaire, lance-t-elle, mi-amusée, mi-satisfaite.

À l'intérieur, je ris silencieusement. Si seulement elle savait que mon cœur penche bien différemment. En approchant de la maison des Bridgerton, les lumières des centaines de bougies illuminent la nuit, faisant scintiller la grande maison. Le carrosse s'arrête enfin, et ma tante et moi descendons, accueillies par une rafale de voix et de musique qui s'échappe des grandes portes ouvertes. Le cœur battant d'excitation et d'un soupçon de nervosité, je monte les quelques marches qui mènent à l'entrée. L'intérieur de la maison est un spectacle en soi. Les invités virevoltent dans leurs tenues les plus élégantes, un tourbillon de soies et de satins colorés, tous dans une danse de flirts discrets. Ma tante me guide à travers la foule, pointant discrètement du doigt les invités notables et chuchotant leurs noms et titres. Puis en un coup de vent, elle disparait pour se mêler avec aisance aux autres membres de la haute société, saluant de vieilles connaissances et échangeant des sourires. Mon unique but à présent est de trouver Monsieur Dorset. Mes yeux glissent sur chaque visage, scrutant la foule pour apercevoir sa silhouette.

- Il n'est pas ici.

Je sursaute à la voix qui résonne près de mon oreille, et en me retournant, je découvre le vicomte Bridgerton juste à mes côtés.

- Monsieur Dorset n'a pas été invité.

- Pour quelle raison ? demandé-je, un peu trop directe peut-être, mais la surprise m'a emportée.

Il esquisse un sourire, apparemment amusé par ma réaction.

- Disons simplement que certains cercles sont plus sélectifs que d'autres. J'espère que vous ne le prenez pas mal, Miss Soma. 

Son explication me laisse perplexe et légèrement irritée, mais je décide de ne pas laisser transparaître mon agitation. Au lieu de cela, je redresse la tête, armée de mon meilleur sourire.

- Eh bien, puisque je suis ici, j'espère que vous vous assurerez que ma soirée soit agréable, sans la présence de Monsieur Dorset pour me divertir.

- Oh, je me porte volontaire pour cette tâche avec grand plaisir, réplique-t-il en m'offrant son bras. Puis-je vous inviter à une danse ?

Je regarde son bras tendu vers moi et ris.

- Et pour que vous me laissiez seule au milieu de la piste, encore une fois ?

Son sourire s'élargit face à mon commentaire piquant.

- Je vous assure, Miss Soma, que si je vous invite à danser, ce sera pour vous accompagner du début à la fin de la danse. Peut-être que ce jeu entre nous pourrait devenir intéressant après tout. D'un mouvement gracieux, j'accepte son bras et nous nous dirigeons ensemble vers la piste de danse.

Alors que l'orchestre démarre une valse lente et enveloppante, il me guide avec une assurance qui me fait presque oublier le reste de la salle. 

- Je suis ravi de vous voir parmi nous ce soir, me dit le vicomte.

- Je dois avouer que l'on parle beaucoup de vos soirées, Lord Bridgerton. On dit qu'il est impossible de s'ennuyer ici. J'espère que ce n'est pas simplement un bel embellissement pour captiver les invités.

- Oh, je vous assure, Mademoiselle, nos soirées sont tout sauf ennuyeuses. Et avec votre présence, je suis convaincu que nous allons élever le niveau du divertissement.

- Tant mieux, répondis-je avec un sourire malicieux, car il m'en faut beaucoup pour être impressionnée, Lord Bridgerton.

Bien que mon plan ait échoué avec l'absence de Monsieur Dorset ce soir, je dois avouer que l'idée de danser avec le vicomte ne me déplait pas entièrement. Il a ce charme indéniable, ce sourire qui, je suppose, a conquis bien d'autres avant moi. 

- Vous dansez très bien, Lord Bridgerton, dis-je, essayant de conserver un ton léger malgré la proximité troublante.

- Je pourrais dire la même chose, répond-il avec un sourire amusé. Mais, dites-moi, votre présence ici est-elle uniquement motivée par la curiosité des rumeurs, ou y a-t-il autre chose que vous cherchez à découvrir ce soir?

Son ton me fait rougir, et je réalise à quel point il est facile de se laisser emporter par le jeu des apparences et des mots. Peut-être que ce soir pourrait réserver plus de surprises que je ne l'avais anticipé.

Notre valse se transforme en un jeu subtil de proximité et d'écart. Les mains du vicomte, à la fois fermes et douces, se posent sur ma taille, guidant chaque pas avec assurance. Chaque contact de nos mains provoque en moi, un frisson inattendu et troublant. Il plonge son regard dans le mien, créant un lien aussi intense que les doux frôlements de nos corps à chaque mesure. Lorsque la musique ralentit, notre danse devient plus proche, plus personnelle. Il me fait tourner avec une douceur qui semble presque étudiée, me laissant à peine le temps de reprendre mon souffle. Nos mains s'effleurent, nos épaules se rencontrent en parfaite harmonie, et je sens la chaleur de son corps à travers ma robe. Cette danse suspend le temps, me propulsant dans un autre monde. Me serais-je trompée sur le vicomte ?