Chapitre 8

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La frontière entre le bien et le mal traverse le cœur de chaque être humain. - Alexandre Soljenitsyne
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Le survivant du concours d'apnée se révéla être la mauvaise herbe dans le champ de la vie.

Avec une assurance presque insolente, il déroba la montre du poignet de son adversaire et s'assit, apparemment indemne après cette épreuve d'endurance. Un soupir, chargé d'un mélange subtil de fatigue et de résignation, s'échappa de ses lèvres. Son regard, empreint d'une ironie acerbe, croisa celui du plus âgé.

- Jamais je n'aurais pu gagner ce duel.

Rangeant la montre dans la poche de son blouson, il s'agenouilla pour fouiller les poches du trench, qui avait sans doute dû coûter son prix. Ses doigts gantés rencontrèrent une petite boîte en carton, qu'il s'appropria, dévoilant son contenu devant ses yeux.

- Oh... Tony, Tony, Tony... Marmonna-t-il d'un ton désapprobateur en découvrant un paquet de cigarettes. Fumer tue, mon ami.

Après cet avertissement teinté d'ironie, il se leva et se dirigea vers la voiture, ignorant qu'elle était déverrouillée, avant de s'avachir sur le capot. Ouvrant le paquet, il en tira une cigarette.

- Qu'en penses-tu, Tony ? Demanda-t-il en regardant l'homme, avant d'allumer sa cigarette avec un briquet extrait d'une autre poche de son blouson. Hum ? Tu crois que je dois y aller et hop, on n'en parle plus ? 

Il remit son briquet en place et tira une longue bouffée, observant le ciel étoilé d'un air songeur, arborant une expression de lassitude. 

Et lassé, il l'était. Il n'avait jamais trouvé sa place dans ce monde. Longtemps, il avait tenté d'être quelqu'un d'autre, de se plier à un système qui le répugnait. Personne ne pouvait le comprendre. Pour lui, il était né différent. Les autres ignoraient ce que signifiait vivre toute une vie en dissimulant sa véritable identité, par crainte du jugement des prétendus moralisateurs, des individus assujettis aux normes sociales, prêts à traquer et harceler ceux osant s'affirmer.

Il avait presque passé à côté de son authenticité. Heureusement, son jeune frère, candide et confiant, avait ouvert les yeux à cet homme le jour où il s'était aventuré trop près du rivage, ignorant les dangers tapissant les profondeurs du lac. Les échos de leurs rires joyeux s'étaient mêlés aux murmures de la nature, formant une symphonie harmonieuse.

Mais soudain, ces rires s'étaient mués en cris de panique lorsque son jeune frère avait glissé sur les rochers humides, disparaissant sous la surface de l'eau. Observant la scène depuis la rive, le tueur avait ressenti une étrange montée de puissance.

Son petit frère, incapable de nager, s'était débattu désespérément pour remonter à la surface. Ses yeux, autrefois empreints de vie, avaient été submergés par la terreur et les supplications muettes. Une lueur perverse avait alors illuminé les prunelles du tueur, une lueur malsaine qui avait trahi sa véritable nature.

Les suppliques de son frère étaient devenues une sinistre mélodie, une symphonie de terreur résonnant au plus profond de son être. Une étrange jubilation s'était emparée de lui, une joie déviante née de la puissance qu'il avait ressentie en tenant la vie de son propre sang entre ses mains. Il avait simplement observé, imperturbable, tandis que la vie s'échappait lentement de son frère.

Il aurait pu intervenir. Il aurait pu plonger, sauver son frère. Mais il s'était tenu là, immobile, comme un spectateur impassible du drame se jouant sous ses yeux. Les supplications étouffées de son propre sang, les bras tendus vers lui dans un ultime appel à l'aide, avaient été délibérément ignorés. Plus tard, il avait menti, prétendant que son jeune frère avait succombé à une noyade inévitable, trop tard pour être secouru à son arrivée.

Closer - Le réveil ( 1/5 )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant