Je n'arrive plus à respirer. J'inspire ce que je peux d'air avant de repousser ce tas de viande inerte. J'ai dépassé le stade de la panique depuis quelques secondes déjà. Malgré tout, mon cœur tambourine dans ma poitrine sans donner de signe de faiblesse.
Je suis en vie !
Lorsque mon gardien a ouvert la porte, j'étais prête à en découdre. Incertaine de mes chances. Avec l'énergie du désespoir, sans doute. Je n'ai pas eu le temps d'esquisser le moindre mouvement. Je me suis pris une giclée de sang et d'os en plein visage. Exactement comme dans les films. J'ai juste entendu une sorte de « scroutch ! » et la bouillie tiède m'a aveuglée.
Lorsque le corps inanimé m'a percutée, j'ai compris que je me faisais plaquer par un cadavre. Entre amoindrir le choc ou retenir la dépouille, j'ai choisi – si l'on veut – d'amortir ma chute. Le visage de mon gardien s'est ensuite cogné contre le mien et en plus de son sang, je goûte à présent le mien qui s'écoule de ma lèvre en quantité. Je sens un élancement au niveau de mon arrête nasale et je me demande s'il me l'a cassé.
Avec un nouveau soupire, je parviens à le repousser sur le côté. Les coups de feu continuent de retentir par intermittence. Ce n'est pas fini. Pas encore. Une odeur indéterminée, mais désagréable, m'assaille. Mon nez ne doit pas être cassé, je conclus. J'ai toujours entendu dire que, dans ces cas-là, on ne sent plus rien.
J'ai la sensation d'être trempée de sueur et dirige mon regard vers ma poitrine. Mon t-shirt est poisseux de sang. Nouveau rush d'adrénaline, juste une seconde, avant de me souvenir que ce n'est pas le mien. Par sécurité tout de même, je me tâte sans ressentir d'autre douleur. Je roule sur le côté pour m'éloigner du cadavre et me redresse. Lentement. La tête me tourne. Entre ma lèvre, déjà enflée, et mon nez – sans doute enflé aussi, d'ailleurs – j'ai de bonnes raisons d'être nauséeuse. Par ailleurs, je ne suis pas sûre de mon équilibre.
J'avise la porte restée ouverte et me demande à quel point ma liberté est illusoire. Si je sors, est-ce que je ne risque pas de me prendre une balle perdue, moi aussi ?
— Putain ! je chuchote. Qu'est-ce que je fais ?
Mon cerveau ne fonctionne que par intermittence. Comme s'il se mettait en mode sécurité pour éviter de fondre sous le poids des émotions. Réfléchir me demande un effort surhumain. Je passe une main sur mon visage et découvre ma paume dégoulinante. J'attrape alors le bas de mon t-shirt, moins trempé que le haut, et m'essuie un peu. Je retiens une plainte en passant sur mon nez. La sensation bizarre ne quitte pourtant pas mon épiderme, même si je le sens un peu plus léger à présent.
Un nouveau coup de feu. Plus près, celui-là. Je me coule vers le mur, sur le côté de la porte. Je ne sais pas si cela suffira à arrêter une balle, mais au moins, je ne serai pas visible depuis l'extérieur de ma prison.
Assise contre la paroi, les genoux repliés vers moi, j'ai une vue dégagée sur l'endroit où j'ai passé les derniers jours. Une belle cellule, assurément. La chambre est aménagée avec goût. J'ai eu droit à un lit King Size au matelas ferme et aux draps soyeux. Le parquet, à présent taché de sang et de cervelle, était impeccable et ne produisait aucun grincement lorsque je marchais dessus. Prison dorée.
— Léo ?
Je sursaute.
Personne ici ne m'appelle comme ça ! Personne ne m'appelle, pour être exacte. Je tourne la tête vers l'encadrement de la porte, d'où venait le chuchotis.
Une nouvelle détonation me vrille les tympans et je crie malgré moi.
— C'est moi, Léo ! Est-ce que tu es blessée ?
Il est venu !
Sans crier gare, des larmes me montent aux yeux et je secoue la tête : je ne suis pas touchée.
— Est-ce que tu es blessée ? répète-t-il.
— Non, je me reprends. Non, je vais bien. Je crois.
Ma lèvre qui palpite au rythme de mon cœur affolé me hurle le contraire, mais je n'en tiens pas compte. Pas plus que je ne m'offusque de ma vision rendue trouble tant par les larmes de joie et de soulagement que par mon nez douloureux.
Je vais enfin pouvoir partir d'ici. Il est venu me chercher...
Je me rends compte que conter mon histoire à partir de ce moment n'est probablement pas ce qu'il y a de mieux. Je devrais commencer par le commencement, il y a de ça plusieurs semaines déjà. Revenons donc en arrière...
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Instinct de survie - T.1
Mystery / ThrillerLéonora pensait son destin tout tracé. Étudiante en première année de master en droit, elle allait devenir avocate ou peut-être juge aux affaires familiales, s'installer dans une petite maison tranquille et avoir une vie de famille bien rangée. C'é...