Chapitre 23

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Malgré notre petite discussion un peu tendue, ou peut-être grâce à cette discussion, Kaïs s'est de nouveau rapproché de moi. Dès le lundi, nous avons partagé un sandwich avec les filles, quelques gars de sa classe et lui. L'ambiance était détendue et, même si nous n'avons pas beaucoup parlé, nous ne nous sommes pas fait la tête. Le lendemain matin, au point de rendez-vous, il était là et nous avons plaisanté au sujet d'un de ses profs qui se baladait avec une tâche suspecte et très mal placée sur son pantalon.

Aujourd'hui encore, nous avons échangé quelques mots et, cet après-midi, en sortant de cours, il est de nouveau avec nous. Kaïs a proposé que nous l'accompagnions à la librairie pour y acheter un livre dont il a besoin pour l'un de ses cours.

— Quoi ? Tu ne vas quand même pas me dire que tu as peur des librairies ? se moque Esthel.

— C'est une phobie comme une autre, déclare Kaïs, d'un air timide.

Il y a un léger silence entre nous. Je perds mon sourire moqueur, ainsi qu'Esthel.

— Ça s'appelle la bibliophobie, précise-t-il.

— Oh merde ! soupire Esthel. Je savais pas. Ça doit être hyper relou, non.

— Vous allez quand même pas croire à ses conneries ? s'offusque soudain Alizé. En plus, la bibliophobie c'est la peur des livres, pas des librairies. S'il était vraiment bibliophobe, jamais de la vie il ne pourrait acheter un livre et encore moins le lire.

— Oh ! Le con ! déclare Esthel alors que Kaïs éclate de rire. J'y ai cru, moi.

Je ne dis rien, mais l'espace d'une seconde, moi aussi. Il est pourtant venu chez moi pour réviser avec un certain nombre de livres, mais son air penaud m'a attendrie et j'ai perdu ma capacité de réflexion.

— Non, mais sérieusement, vous ne voulez pas venir avec moi ? reprend Kaïs. Y a un petit bar sympa, juste à côté, on ira boire un coup, après.

Je suis sur le point d'accepter, lorsque je me remémore la promesse que j'ai faite à Mal de ne pas sortir pour d'autres raisons qu'aller en cours et au boulot. J'ai tenu jusqu'à aujourd'hui sans vraiment avoir besoin de faire d'effort. Cette fois pourtant, il se pourrait que cela me coûte un peu. D'un autre côté, je n'ai plus constaté que qui que ce soit me suivait ou m'observait. C'était peut-être bel et bien Mal qui me faisait suivre et me fait peur pour m'empêcher de sortir m'amuser sans lui ? Ça serait un comportement tout à fait pervers et j'aime autant que ce ne soit pas le cas, mais il faut bien avouer que je ne connais pas bien l'animal. Il est adorable avec moi, lorsque nous sommes ensemble, mais c'est peut-être le genre d'homme à deux visages.

Je frissonne en imaginant qu'il puisse être un psychopathe.

— Ça va, Léo ? me demande Kaïs.

— Euh, oui, pardon, j'étais complètement perdue, je déclare.

— Bonjour ? demande soudain un type que je n'avais pas vu arriver.

Il a un accent profond et un sourire de travers à cause d'une vilaine cicatrice au coin de la bouche. Elle est petite et, d'ailleurs, dans un premier temps, je ne l'avais pas vue, pourtant elle empêche ses lèvres de bouger normalement sur la gauche.

— Sorry, dit-il encore avec le même accent, même en anglais.

Je lui souris et tends l'oreille pour essayer de comprendre ce qu'il me demande. Comme il recule doucement, je le suis alors qu'il continue de baragouiner des mots que j'ai du mal à comprendre.

— ...need your help, lady madam, je comprends.

Il parle un peu avec les mains en me faisant signe de le suivre.

Instinct de survie - T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant