Chapitre 2

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Ce jour-là, comme très souvent, Esthel et Alizé parlent mecs. À croire que leur vie tourne autour de ce seul sujet. Je sais pourtant que c'est faux. Alizé, tout comme moi, est en première année de master de droit pénal et sciences criminelles. Autant dire qu'elle doit bosser et que le temps de papillonner nous manque à toutes les deux.

Si de mon côté, j'ai très vite pris la décision de me concentrer sur mes études, en laissant le sujet garçons de côté, Alizé n'a pas eu cette force de caractère. À l'entendre, ses résultats ne s'en ressentent pas, voilà pourquoi elle ne risque pas d'évoluer de ce côté-là. Chacun ses choix, comme je lui répète régulièrement. Je ne la juge pas.

Esthel, qui étudie comme nous à la Sorbonne, mais en relations internationales, ne me comprend pas. Lorsqu'on se retrouve, toutes les trois emmitouflées dans nos grosses doudounes, elle revient à la charge.

— C'est pas si prenant, un mec, me serine-t-elle. Tu le vois une fois de temps en temps. Tu prends ton pied et ça te requinque pour la semaine.

Alizé rigole de bon cœur et je peine à ne pas la suivre.

— C'est vrai ! insiste Esthel.

— En attendant, balance Alizé hilare, t'es toujours toute seule, pour le moment.

— C'est un choix ! déclare solennellement Esthel.

Elle prend alors une moue sérieuse en posant la main sur son cœur.

— Pareil pour moi ! j'interviens. Je choisis de ne pas me prendre la tête avec les mecs.

— Tu n'aurais même pas à te prendre la tête, réplique aussitôt Esthel. Tu as un candidat idéal qui est juste à point.

Je décide de ne pas relever. Elle parle de Kaïs, le petit frère d'Alizé. Elle a raison, il est à point. Honnêtement, ce garçon a tout pour plaire : il est poli, attentionné, beau, sportif et il en pince pour moi depuis qu'on se connait, ça fait donc à peu près trois ans. Mais...

— T'as pas compris, Esthel, coupe Alizé en interrompant du même coup le fil de mes pensées. Elle n'est pas contre le fait d'avoir un mec. C'est juste qu'elle ne veut pas d'une relation longue durée. Kaïs ne correspond pas du tout. Et puisque le weekend, elle révise, que le soir elle travaille, chercher un mec, même pour un soir, c'est la mer à boire.

Esthel pouffe.

— C'est ma mère qui dit ça, ajoute-t-elle.

— On s'en fout ! grogne Alizé. Laisse-là tranquille avec les mecs. C'est pas comme si elle était frigide, après tout.

Je ris. Ces deux-là se connaissent depuis la seconde et passent encore leur temps à se chamailler. Heureusement qu'elles n'ont aucun cours en commun, ce serait invivable.

— Et pourquoi tu viendrais pas avec nous en Croatie alors ? repart Esthel que décidément rien n'arrête.

J'interroge Alizé du regard, surprise de cette proposition.

— Parce que je lui en ai pas encore parlé, se renfrogne mon amie. Mais je comptais le faire.

Je ne prends pas ombrage de cette révélation imprévue et Alizé m'explique qu'avec Esthel, elles comptent se prendre une petite semaine de vacances. Les partiels viennent de se terminer, c'est donc le moment idéal.

— J'imagine qu'avec ton boulot, c'est pas super évident, mais tu crois que tu pourrais négocier une semaine ? me demande mon amie en faisant la lippe.

— Quand ?

— La semaine prochaine, en fait.

Elle accentue sa grimace et elle fait bien. Nous sommes mercredi et la semaine prochaine, j'imagine – et elle me le confirme – ça veut dire qu'on part samedi (dans trois jours donc). Je bosse à la caisse d'une boulangerie. Ce n'est pas le boulot avec les plus grosses responsabilités qu'on puisse imaginer, mais prévenir mon patron deux jours avant, que je veux partir en congés pour une semaine, c'est un peu compliqué.

Instinct de survie - T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant