Après une nuit agitée comme celle-ci, difficile de paraître enjouée au matin. En arrivant à notre point de rendez-vous matinale, Esthel et Alizé remarque immédiatement mon visage bouffi.
— Toi, t'as pas passé une bonne nuit, déclare Esthel. C'est à cause de Kaïs ?
Je reste interdite une seconde. Kaïs. Pour être tout à fait honnête, je l'avais un peu oublié. Je me contente de secouer la tête en signe de dénégation.
— Ne me dis pas que c'est ce que je crois ? réplique Alizé avec de grands yeux étonnés.
J'évite de répondre, pour le moment et me concentre sur Kaïs. C'est un peu hypocrite de ma part, mais je m'en moque.
— Tu as parlé à ton frère ? je demande à mon tour.
— Pas vraiment. Il m'a appelé et a commencé à m'engueuler parce que, soi-disant, je savais tout depuis le début et j'aurais dû lui dire plutôt que de le laisser passer pour un con devant tout le monde.
Il n'a pas tort, en même temps. Elle aurait pu lui en toucher deux mots. D'un autre côté, elle s'est montrée loyale envers moi et je ne vais certainement pas le lui reprocher. Et puis, si jamais elle en avait parlé à Kaïs, est-ce que vraiment ça aurait été mieux ?
— Bref, poursuit Alizé. Quand il est comme ça, je refuse de lui parler. Donc j'ai raccroché et depuis, j'ai pas de nouvelles. Mais bon, c'était hier soir.
— Il est pas là avec nous, j'imagine donc qu'il a pas encore digéré.
Esthel lâche un petit rire sarcastique.
— Je ne suis pas sûre que j'aurais digéré à cette vitesse, moi non plus, ajoute-t-elle.
— Il s'est passé quoi, cette nuit ? insiste Alizé. Tu l'as vu ? L'agent secret, je veux dire...
J'acquiesce, puis leur raconte ma soirée avec Mal et mon réveil au milieu de la nuit. Notre dispute. Plutôt, mes cris face à sa non réaction et ses non excuses.
— En gros, je conclus, je ne le reverrai pas de sitôt, je pense.
— T'es sûre de toi ? demande Esthel. Il n'a pas l'air du genre de gars qui lâche l'affaire facilement.
— C'est vrai, je souris. D'autant que je crois avoir encore été suivie, ce matin.
— Sérieux ?
Alizé porte les deux mains à sa bouche et s'inquiète de ma sécurité. Cependant, je suis persuadée que la personne qui me suit est avec Mal. Voiture sombre, sans plaque, avec des vitres teintées. Esthel me conseille d'aller déposer une main courante à la police, mais je ne vois pas vraiment quoi leur dire.
— Qu'un mec chelou te suit dans la rue ! déclare Esthel, comme une évidence.
— Je n'ai aucune description, pas de plaque d'immatriculation et, comme j'y connais rien en voiture, je ne connais pas non plus la marque.
— Le mec de la fête, tu le reconnaitrais, non ?
— C'est vrai, j'admets. Mais de là à en faire un portrait-robot...
Je soupire.
— Tu veux venir dormir à la maison, au cas où ? propose Esthel.
— Pour quoi faire ?
— Bah pour qu'on te protège ! renchérit Alizé.
J'éclate de rire franchement.
— Vous êtes des Spys Girls ou quoi ?
— Ouais ! affirme Esthel en posant les deux poings sur ses hanches.
Je les remercie, mais décline leur offre malgré tout. Après tout, si ce stalker voulait me faire du mal, il a eu des tas d'occasions et ne l'a jamais fait, c'est sans doute qu'il ne me veut pas de mal.
— Ça va, je vous assure.
— Comme tu veux.
— Mais du coup, reprend Alizé, juste avant que nous nous séparions pour rejoindre nos cours respectifs, t'as rien appris sur lui du tout ?
— Je ne sais presque rien, je confirme. À commencer par où il vit. D'après ce que j'ai compris, il ne vit pas en France, mais même ça, je n'en suis pas certaine. Vu son niveau de français, il a sans doute dû vivre ici à un moment ou un autre. Mais vraiment, je ne sais presque rien de lui, à part un peu de son passé.
— Si tu veux mon avis, reprend Esthel, t'es aussi bien sans lui.
— Oui.
Ça, c'est un mensonge éhonté. Bien sûr que non, je ne suis pas mieux sans lui. Si c'était le cas, je n'aurais pas pleuré la moitié de la nuit. Si c'était le cas, je le dénoncerais à la police. La vérité, c'est que j'ai très envie de le revoir. Il me manque. Voilà pourquoi je ne veux pas qu'il arrête de me faire suivre. Je veux qu'il sache où je suis pour qu'il puisse me retrouver quand il aura décidé qu'il veut me parler.
Cependant, je n'en dis rien à mes copines et sur cette conclusion, Esthel part de son côté et Alizé et moi, du nôtre.
La journée se passe plus ou moins normalement, si l'on excepte le nombre de fois où je me retourne pour regarder dans les coins si je ne trouve pas la silhouette de Maloé ou de son stalker. Nous n'entendons pas parler de Kaïs, mais lui, je ne le cherche pas, pour le coup.
Pourtant, je devrais, j'ai des choses à me faire pardonner et puis, officiellement, c'est toujours mon petit ami. Il me fait la tête, certes, mais il n'a pas rompu. Pas plus que moi. Je devrais.
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Instinct de survie - T.1
Misterio / SuspensoLéonora pensait son destin tout tracé. Étudiante en première année de master en droit, elle allait devenir avocate ou peut-être juge aux affaires familiales, s'installer dans une petite maison tranquille et avoir une vie de famille bien rangée. C'é...