Chapitre 32

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La route va être longue, d'après Mal. Il m'annonce, lorsque nous sommes arrêtés dans un petit restaurant pour le petit déjeuner, que nous allons rouler jusqu'en Italie. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il aime rouler, car au lieu de prendre un avion ou même le bateau, nous allons faire le voyage dans son SUV. Par chance, il est très confortable et je peux même allonger le siège de manière à dormir presque à l'horizontal.

Pour le moment, cependant, je ne suis pas fatiguée. Je cogite beaucoup, en revanche. J'essaie d'imaginer une vie commune avec Mal. À quoi cela pourrait-il bien ressembler ? C'est ainsi que je demande au premier intéressé comment il envisagerait les choses, lui. Je refuse d'abandonner mes études, c'est non négociable. J'ai déjà l'impression que ce semestre va être très compliqué si je suis absente pendant qu'il joue les justiciers vengeurs.

En plus de mes études, j'ai toujours l'intention de travailler en France. Peut-être pas à Paris, mais je n'irai pas à l'étranger et je ne me vois pas faire le tour de l'Europe toutes les semaines en même temps que j'ai un cabinet, par exemple.

Cette idée semble faire beaucoup rire Mal.

— Je pense que tu te fais une assez mauvaise idée de mon rythme de vie, Léo, sourit-il en roulant sous la limitation de vitesse, pour une fois.

— Évidemment que je me fais une mauvaise idée ! je confirme. Tu ne me dis rien de rien. Comment veux-tu que je devine ce genre de choses, Mal ?

— D'abord, je ne travaille pas sept jours sur sept, réplique-t-il d'un ton égal. J'ai un appartement en Hongrie, tu sais. Je pourrais très bien décider de m'installer à Paris, par exemple.

Cette éventualité me tire un sourire malgré moi. Je n'ose qu'à peine imaginer la possibilité d'une vie à deux. Non. La vérité c'est que j'en rêve tout en le redoutant plus que tout.

— Tu restes un tueur, Mal, je contre. Je ne peux pas vivre avec toi. Tu le comprends n'est-ce pas ?

Il garde le silence un long moment, les yeux rivés sur la route. Je suppose qu'il ne comprend pas.

— Je suis un tueur, c'est vrai, admet-il à mi-voix. Mais un genre un peu particulier.

— Tu m'en diras tant ?

Cette fois, il se tourne vers moi et son regard me fait comprendre que cette expression n'a aucun sens pour lui. Je lui indique d'un signe, que j'attends d'en savoir plus.

Alors, il m'explique que s'il travaille effectivement en tant qu'assassin, il ne tue que des membres de la pègre. Quel que soit le pays, il ne s'attaque qu'à d'autres hors la loi.

— Les gens que j'élimine sont tous des membres plus ou moins influents dans le milieu. Je prends mes ordres de mission d'une famille pour aller supprimer un membre d'une autre famille.

— Et je devrais être fière de ça ? je demande. Ça ne change rien au fait que tu assassine des gens, Mal. C'est illégal et, même d'un point de vue moral, c'est plus que discutable. La police est là pour régler ce genre de problème.

— La police n'est pas suffisamment efficace pour ça et tu le sais très bien.

Un flash de Jérémie, le coéquipier de l'inspecteur Tagbo, la main sur sa gorge et essayant d'endiguer le flot de sang, me fait tressaillir. Il a raison : la police n'est pas capable de venir à bout de ce fléau qu'est la pègre. Ce n'est pourtant pas une raison pour qu'il puisse tuer impunément qui lui chante.

— D'ailleurs, je poursuis, c'est quoi ta motivation ? Tu penses vraiment rendre justice de cette manière ?

— Je ne suis pas si naïf, Léo, me sourit-il.

Instinct de survie - T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant