Dernière lettre

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 Je voulais te dire que je vais mieux. Je ne suis pas en train d'affirmer que la tristesse est enterrée. Je te dis que tous ces chagrins font parti de moi, que je les trimballe dans mes entrailles mais que ça ne fait plus mal parce que j'ai appris à pleurer.

Je déverse les larmes. J'ai arrêté de dire « Tout va bien ». J'ai compris que la mélancolie n'empêche pas la joie. J'ai compris que la joie n'annule pas la peine mais la rend presque supportable. J'ai compris que je ne pouvais pas retenir les gens qui ne voulaient pas être ici avec moi. Mais que je pouvais faire de mon mieux, être la meilleure possible, pour leur donner l'envie de rester.

Je voulais te dire que je n'ai pas tout à fait guéri, qu'il me manque encore, que je porterais toujours en moi le vide béant de son absence. Mais que la douleur n'est plus aussi brûlante dans mon ventre.

Je voulais te dire que j'ai appris à aimer ce que j'ai. Cette poignée d'être-humains qui consolent mon cœur. J'ai compris que je n'avais pas besoin de plus, pas besoin de plaire, de me disperser dans des cœurs inconnus. Plus besoin de fuir quand j'ai ce que j'attendais. Plus besoin de tout faire pour que les gens m'aiment, puisqu'il en existe qui n'attendent de moi rien de plus que ce que je suis.

Je voulais te dire que tu as tort. Que je fais de mon mieux. Que j'ai appris de mes erreurs. Mais ça tu le saurais si tu étais là. Tu verrais que je ne fuis plus. Enfin, que j'essaye. Que j'ai peur parfois, quand je me retrouve, seule, face à mes chagrins le soir, mais que je ne détourne plus les yeux.

Je voulais te dire que j'aime cette vie. J'aime les matins ensoleillés. J'aime regarder mes amies, les observer rire, sourire, vivre, et me dire combien elles sont belles. J'aime toutes ces personnes nouvelles qui entrent dans ma vie, parler pendant des heures, découvrir, se dévoiler. J'aime la terre dans mes mains, le sommeil qui enlève les dernières peines, les repas et les éclats de rire, les blagues nulles qu'on se lance pour détendre l'atmosphère, l'été qui se réveille, les projets qu'on dessine, les rêves qu'on garde dans nos poches et l'espoir d'y arriver. Les vieux du samedi matin au marché, la musique dans les oreilles, les étoiles, les chats qui se prélassent au soleil, la famille qu'on prétend détester mais qu'on aime à en crever, et ce million de possibilités à chaque coin de rue... Ouais, je l'aime bien cette vie.

Je voulais te dire que c'est bête. C'est bête parce que tu aimes ceux qui te font mal. C'est bête parce que tu pardonnes à ceux qui te déchirent le cœur, comme pour leur prouver que tu mérites d'être aimé. C'est bête parce que les autres, les sincères, les amis, les amoureux, tu les fais partir. C'est bête parce que tu crois encore que nous sommes pareils. Mais j'ai changé.

C'est bête, parce que lorsque tu trouveras un cœur à aimer, et qu'il te fera mal, tu penseras à moi et tu reverras tout l'amour que j'avais pour toi. T'y penseras avec tendresse peut-être, avec regret sûrement. Tu comprendras enfin ton erreur de n'avoir pas su prendre le risque d'essayer, de tenter, de laisser ta confiance à quelqu'un qui aurait su en prendre soin pour une fois.

Quand tu seras seul, tu repenseras à moi, et c'est bête parce que moi je ne serai plus là.

Parce que c'est maintenant que je le suis. Et maintenant tu choisis de te détruire.

Les Feuilles Mortes - RantbookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant