Alice

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Le laisser partir était une chose. Mais sentir qu'il l'effaçait peu à peu de son cœur, non, ça Alice ne pouvait pas.

Il ne restait plus qu'une infinie tendresse, comme pour ceux qui ont compté un jour. Alors qu'elle aurait tant voulu son amour...
C'était comme une brûlure dans son bide, un séisme dans son crâne.

Oui, elle pouvait le laisser partir, mais cette lente agonie amoureuse, elle ne pouvait pas le supporter. Elle ne supportait plus les souvenirs en masse qui tapaient contre son cœur. Elle ne supportait plus de voir qu'il réussissait à restreindre l'amour au silence.
En fait, elle détestait cette facilité déconcertante avec laquelle il l'avait éloignée de sa vie.

Alors elle faisait comme lui : elle continuait d'avancer pour ne pas montrer qu'elle était blessée. Quand on lui demandait si elle allait bien, elle acquiesçait ou répondait d'un ton joyeux : "Ça va". Elle se disait que si elle le répétait assez, ça finirait par devenir vrai.

Chaque matin, elle faisait disparaître les stigmates de la veille, et cachait son cœur de carton sous des pulls trop grands pour elle. Ça faisait l'affaire. Les autres n'y voyaient que du feu. Mais les soirs d'intempéries sous ses paupières, toute la flotte s'accumulait et débordait jusqu'à son cœur. Elle collait des autocollants pour cacher le désastre.

Ils aimaient bien ça, ses amours vagabonds. Ils déposaient quelques caresses sur son corps, complimentaient son cœur, c'était doux. Mais ça ne durait pas. Elle savait que, lui, s'il l'avait entre ses doigts, saurait que ce n'était pas le vrai. Elle savait qu'il était le seul à pouvoir la reconnaître derrière ses bricolages.

Le seul si seulement il la regardait encore.

Les Feuilles Mortes - RantbookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant