Lueur dans les Ténèbres

734 86 2
                                    


Pax


Je sais qu'elle s'est réveillée hier, mais je ne peux pas. J'en crève d'envie et être loin d'elle me tue à petit feu, mais ma priorité reste de la protéger, tant qu'elle sera à mes côtés, il lui arrivera toujours un truc. Je ne suis pas fait pour aimer ou plutôt, je n'y ai pas le droit. La vie semble s'acharner et prendre un malin plaisir à me prendre tous ceux à qui je tiens, elle s'amuse à me torturer. Dès que j'avance, elle me rappelle que je n'ai pas de carte en main.
Elle n'a pas encore l'autorisation de sortie de la chambre, et moi je fuis, je la fuis elle et le club. J'en peux plus de voir leur regard accusateur face à ma décision, ils ne la comprennent pas à vrai dire, je ne me comprends pas moi-même, rien d'étonnant quand il s'agit de Charlotte.

Je flippe de pas assumer devant elle, que mes sentiments soient plus fort que ma volonté de la protéger, alors je suis venu ici quand j'ai su qu'elle était réveillée. Mon petit coin de paradis, celui que je partage avec Éden. Rien ne m'entoure depuis hier, sauf le silence et les bruits de la nature.
Je cherche à comprendre ce que j'ai loupé, où j'ai pu merder, et ce que j'ai pu faire pour en arriver là. J'ai essayé de ne pas réfléchir, de faire fuir mes pensées maussades, mais ce ponton pourrais porter son nom, il a vu notre première fois, il a vu sa libération, son lâcher prise.

Le soleil se couche, deuxième nuit ici à même le sol, cet endroit qui m'apporte en temps normal la paix, ne m'aide pas à m'échapper. Je pense encore et toujours trop. Éden est là, je le sais, je le sens. Elle a toujours été là, et j'aime à croire qu'elle nous a suivi à Folkstone, que c'est elle qui est venu en aide à Charlotte. Ouais, je suis détraqué, mais je cherche encore à m'accrocher à ma sœur, je n'arrive pas à la laisser partir, elle le mérite pourtant, mais chaque jour un peu plus, j'ai besoin d'elle. Je ne sais pas faire autrement, ma peine, le manque, mon amour pour elle, ma haine et ma colère contre la vie, contre mes parents sont mes moteurs depuis tellement d'années que je n'arrive pas à faire sans.


J'aurai aimé en être capable, Charlotte le mérite. Elle mérite vraiment plus qu'un mec brisé comme moi, incapable d'avancer et qui est enfermé dans un passé merdique.

Je suis épuisée physiquement et moralement de tout ce poids qui me pèse un peu plus au fil des jours qui passent. Il m'ensevelit, j'ai essayé de briser ses chaînes qui me tirent un peu plus vers l'abîme, en vain. Je finis par m'endormir tard dans la nuit, l'insomnie m'habitant depuis des jours, mon corps fini par lâcher, mes yeux se ferment sous ce ciel étoilé, où une étoile rayonne plus que les autres, Éden.
Ma nuit est tourmentée, le sol est ce qu'il y a de plus inconfortable, j'aurai pu m'installer sur l'herbe ou sur la plage qui borde le lac, mais c'est ici mon endroit, ici que je la retrouve et que mes souvenirs sont les plus vifs. Les cauchemars se succèdent, les ténèbres m'habitent, elles ne m'ont plus quitté depuis que j'ai découvert Céleste, pire encore depuis que j'ai retrouvé Charlotte.
Je me réveille en sursaut tellement de fois, en sueur, affolé, apeuré, quelle fiotte. Je n'ai rien d'un homme dans ces moments-là, je redeviens ce gamin qui trouve le corps sans vie de sa petite sœur. Dans mes cauchemars, le visage de Charlotte se superpose à celui d'Éden et je ne sais plus, je me perds dans ce cercle infernal qui m'aspire et me hante. Elle aurait pu mourir à cause de moi, parce que je l'ai aimé.

Je sais que mon paternel est enfermé dans la grange, que je pourrais avoir des réponses aux questions qui me hantent depuis des années, mais à quoi bon ? Rien ne me ramènera Éden, puis de toute façon je ne suis pas prêt à l'affronter, il a se pouvoir de me terrifier, de me ramener si loin en arrière malgré tout le chemin que je pensais avoir parcouru. Je me suis juste voilé la face, j'aurai dû savoir qu'un homme comme lui reviens toujours. Il est là tapi dans l'ombre, attendant le moment propice, le fameux moment où le soleil commence à briller de nouveau puis il vous achève, ramenant la noirceur des ténèbres faisant s'abattre sur vous une tempête torrentielle.

Le soleil est levé depuis un moment, je vais finir par avoir des escarres à force de rester assis, mais je crois que mon cœur et mon corps sont éteints ils ne ressentent plus. Ils se meurent à petit feu, et je ne fais rien pour les en empêcher. Charlotte était ma lueur d'espoir, cette lumière dans le noir qui m'attire, qui m'a laissé croire en une vie meilleure et je l'ai perdu, volontairement, je l'ai laissé sur là-bas côté pour ne pas l'entrainer dans ma chute.

Enfin ça, c'est ce que je croyais jusqu'à ce que j'entende le bruit d'un moteur, c'est le pick-up du club, j'en connais le bruit par cœur. Et je la sens, avant même de la voir alors que je lui tourne le dos, elle est là, elle est venue même si je la fuis. Elle est comme ça ma sorcière, j'aurai dû le savoir. Elle ne lâche rien, n'abandonne jamais, c'est une battante, une guerrière et je ne suis pas sûr de tenir maintenant qu'elle approche.
J'entends ses pas et le bruit d'une béquille, je prie silencieusement qu'elle m'assomme avec, que les ténèbres me prennent qu'elles arrêtent de jouer. Mais, rien ne vient, si ce n'est ce silence, encore.

Quand enfin, elle s'assoit, que sa voix résonne, mon cœur ressuscite, il reconnaît le sien, il s'emballe et bat la chamade, il la ressent, il l'aime. J'essaie de tenir, de ne pas la regarder, mais ma volonté s'est barrée au moment où mon âme a reconnu la sienne. Plus forte encore que mes ténèbres, elle m'ensorcèle, mon cœur est à ses pieds. Encore.

Hell's Snakes MC #2 : Pax & Charlotte Où les histoires vivent. Découvrez maintenant