13| Peut-être suis-je seulement folle ?

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« Il faut mille fois mieux être crains que aimé. »



Ava


— Ferme-là ! crié-je, à bout de souffle.

Le verre d'eau que je tiens entre mes doigts vole à travers la cuisine pour atterrir contre les cloisons peintes en noires. Les morceaux de verre éclatent d'un bout à l'autre de la pièce pendant que mon père contourne l'îlot central pour venir attraper mes mains et me tempérer.

— Tu dépasses les bornes ! s'époumone-t-il. Tu m'entends, gamine ?

J'aimerais qu'il disparaisse. Lui, Cameron, tous les autres, je souhaite qu'ils se volatilisent. Je tente de me défaire de sa prise, tandis qu'il tord mes poignets. Ma peau me démange, je ne veux pas qu'il me touche. Mais, après tout, ce n'est qu'un caprice d'enfant pourri gâté, cette lubie qu'on ne doit pas poser ses mains sur moi, voilà ce que pense mon père.

— Va te faire foutre ! Lâche-moi, putain, lâche-moi ! m'égosillé-je.

Une gifle, aussi sèche qu'un coup de lame sur ma joue. Un silence englobe la pièce avant que je ne pousse un cri de rage strident qui écrase nos tympans. L'air électrique se renferme autour de nous.

— Tu m'as abandonné ! hurlé-je, la voix cassante. Tu m'as abandonné...

Mon ton se brise alors que ce constat éclate dans mon esprit.

Je n'ai plus de famille.

Mon père ne représente plus rien à mes yeux, au même titre que je ne suis qu'un fardeau, un membre encombrant qu'on préfèrerait enterrer comme tous nos sombres secrets.

Je suis partie, car je faisais honte au Maddox.

Et que faisons-nous quand un déshonneur nous frappe ; nous inhumons les dégâts comme si de rien n'était.

— Tu recommences, Carmen..., morigène-t-il. Tes crises doivent cesser. J'ai une image à tenir, alors n'essaye même pas de l'entacher...

Je déteste quand il m'appelle comme ça.

Par mon deuxième prénom, celui que maman m'a donné.

Elle n'est plus là. C'est inutile de se souvenir.

Et, de toute façon, je le porte mal.

— Tu peux à nouveau m'exiler de force chez grand-mère dans ce cas, craché-je amèrement. Ah, attends, tu ne peux pas, parce qu'elle est morte !

Mes hurlements reprennent de plus belle tandis que le regard de mon géniteur s'assombrit. Il s'empare d'un verre de whisky posé sur le plan de travail à côté de lui, puis le balance à son tour dans ma direction. J'imagine qu'il est agacé par mes beuglements.

Le verre brisé atterrit à mes pieds. Je retiens les larmes aux coins de mes yeux de couler, si intensément qu'elles me brûlent la rétine. Mon cœur tambourine, frappe au rythme de ses mots qui ne sonnent plus que comme un écho feutré.

— Va te faire soigner ! crié-je à m'en rompre les cordes vocales.

Un rictus abrite ses lèvres et je prends ma tête dans mes mains avant de tirer sur ma chevelure, si fort, que quelques mèches glissent dans mes paumes.

— Ta mère aurait honte de toi, Ava, déclare-t-il plus calmement. Tu mens, tu manipules, tu casses... Tu détruis tout, et tout le monde sur ton passage.

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