7| J'attends la venue du Lièvre

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« Suis-je devenu fou ?

– Oui je pense Chapelier. Mais je vais te dire un secret : la plupart des gens bien le sont. »





𝑨𝒗𝒂





« Les choses qu'on possède finissent par nous posséder. »

Le regard ancré sur le liquide ambré de mon verre, les bruits de fond retentissent dans un écho sourd. Les coups tous plus fervents les uns que les autres. Deux heures et demie que cet imbécile cogne sans répit dans son sac de frappe.

Sa vengeance a fini par le posséder. Ses obsessions le hantent et le détiennent. Le propre des êtres humains. Tout ce qu'on désire finit par être maître de nous-mêmes ; dicte nos vies et devient une extension de notre identité. Aussi, le contrôle nous échappe, une attache émotionnelle qui régit nos actions, nos réactions. Un cercle vicieux, alimenté par chacun d'entre nous, consciemment, inconsciemment, peu importe, le résultat est le même : l'aliénation.

Chaos, violence, rage sont les mots d'ordre, et mon frère s'applique à tenir chaque syllabe.

Le tableau s'élargit, chaque post-it est relié par un fil rouge s'il s'agit d'un suspect toujours en vigueur, et un fil bleu s'il est innocenté. J'ai fini par comprendre. Sauf que la feuille qui abritait un point d'interrogation au centre a disparu.

À la place, un nom écrit en grande lettre noire : Crawford.

Cameron est persuadé de son implication, je ne sais pas qui est cet homme, mais je lui souhaite du courage, je n'aimerai pas être lui. Moi aussi je compte le retrouver.

Il a gâché ma vie.

Mon Cam a disparu à cause de lui, tout ce qu'il était avant d'aller en prison s'est envolé, à cause de lui.

D'un geste mécanique, j'avale d'une traite le whisky, puis me ressers un verre. Je tapote mes doigts, le silence englobe maintenant la pièce. Seul l'éclat solitaire du métal grince alors que le punching-ball continue de valser dans le vide quelques instants.

Mon frère s'approche du bar en ébène d'un pas contrôlé, puis pose son bras sur le bois avant de récupérer la bouteille de scotch à côté de moi.

— Un certain Kensington m'a appelé, souffle-t-il, tu lui diras que j'ai autre chose à foutre que d'aller à son rendez-vous parents prof de merde.

— Papa t'a demandé de t'occuper de moi jusqu'à ce qu'il revienne, contré-je, résignée. Alors t'as pas le choix.

Un rictus l'abrite, puis il porte le goulot à ses lèvres. Pendant quelques secondes, il semble hésiter avant de se poster droit face à moi. Ses pupilles – dures comme la ferraille – me sondent de haut en bas et dans un bruit sourd le verre de la bouteille claque le bois d'ébène. Mes iris observent la pièce d'un œil mauvais, il se trame quelque chose dans mon dos, quelque chose de grave. La lueur tamisée rouge carmin zèbre son visage et se reflète sur ses mèches blondes. Son ombre se déploie sur le sol en béton dans une quiétude sépulcral.

Le calme avant la tempête.

Sa main sort un flingue de la ceinture de son bas de survêtement, qu'il pose dans un claquement contre le bar. Son regard se balade de l'arme à feu jusqu'à s'ancrer dans mes pupilles intriguées et un sourire caustique se dessine sur ses lèvres.

— Tu vas en avoir besoin, déclare-t-il sans équivoque, avec ce que je vais te demander.

Et l'ouragan se fragmente, explose en morceaux.

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