Chapitre 4 ~ Partie 3

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Le pire c'est qu'il a entièrement raison, mais ça me rendrait malade de l'admettre. Je sens au plus profond de moi qu'il est sincère et dénué de mauvaises intentions.

- J'ai confiance en ta personne, Siloé, avoué-je, fixant au loin la mer. Mais ce que tu me racontes... c'est beaucoup trop gros à avaler... et je... il y a encore ce mystère au sujet de mes songes qui plane.

- C'est vrai. Tu as raison. Tu mérites de savoir, que j'éclaircisse tes incertitudes. Je suis ce que l'on appelle un contrôleur de rêves. C'est-à-dire que j'ai un certain pouvoir dessus, je peux chaque nuit t'envoyer des signaux, des images, des sons, à ma guise. Il ne faut cependant pas croire que j'ai une totale liberté, bien au contraire. Nous, les contrôleurs de rêves, avons des lois bien précises à respecter.

- Quelles sont-elles ? l'interrogeais-je, piquée de curiosité.

- Il y en a des tas. Mais les principales sont fondamentales : nous ne pouvons user de ce don pour faire le mal ou manipuler. Chaque contrôleur est doté d'une mission précise, et c'est grâce aux rêves que l'on y parvient généralement.

- Je suppose que ta mission est de m'emmener à ton Royaume...

- C'est aussi le tiens, Mérida.

Fatiguée, je baisse les armes, incapable de protester.

- Et si pour une fois tu n'étais pas dans le contrôle ? Que tu t'écoutais ? Que tu ne fuis pas ? Que tu permettes à la petite voix dans ta tête de se frayer un passage jusque dans tes réflexions ?

Evidemment que je tais cette voix qui me dis que rien n'est impossible, sinon ce serait consentir à la possibilité d'une réalité décalée de celle que je connais à présent. Siloé, Matthew, mon oncle, Cassien semblent y croire... pourquoi pas moi ? Quelles raisons les pousseraient autrement à me mentir ?

- Bon. Nous allons procéder à ma manière, ce n'est pas négociable. Nous allons rentrer avec ce fameux Mr. Francisco, qui au passage préviendra mon oncle et sa femme de mon départ, puis vous répondrez à toutes mes questions. Compris ?

Siloé acquiesce vivement, me gratifiant d'un sourire honnête. Le silence confortable s'installe. Côte à côte, nous écoutons les mouettes et leurs cris rauques. Des pétroliers accostent tandis que d'autres bateaux prennent le large. Le temps est grisonnant aujourd'hui, bien que l'atmosphère soit lourde, tendue. L'odeur de poisson émerge dans mes narines, et mon ventre se souvient tout à coup qu'il est vide.

De longues minutes sans ne rien échanger en paroles passent. Siloé ne cesse de jeter des coups d'œil derrière lui, de peur que Matthew ne débarque.
Un contrôleur de rêves, hein ? C'est complètement détraqué, pourtant, ça expliquerait le pourquoi du comment.
Une voiture noire se gare près de nous. A en juger par le comportement de mon acolyte, ce doit être Charles qui arrive. Ce dernier sort de l'automobile en poussant des jurons dans sa barbe.

- Sapristi ! Je ne m'y ferai jamais à ces tas de ferrailles. Mérida, je suis ravi de te revoir !

Je ne réponds rien et monte à l'arrière tandis que Siloé s'assoit du côté passager. Sur le trajet du retour, personne n'a essayé de me convaincre de quoi que ce soit, ce dont je leur suis reconnaissante. Cependant Mr. Francisco m'a relaté sa conversation avec mon oncle et Olga, leur disant que je suis partie avec lui. Olga a pris soin de lui donner un sac remplis de mes vêtements ainsi que mon téléphone. A part ça, le chemin est plutôt silencieux, ce qui m'arrange.
Songeuse, j'engloutis le sandwich que Charles m'a au préalable acheté. Si je résume les évènements des semaines précédentes, je dirai que ma vie est en train de considérablement changer. Mais jusqu'à quel point ? Jusqu'à quel point je le permettrais ? Les mêmes interrogations tournent en boucle dans ma tête, j'ai presque hâte d'arriver dans mon village afin que l'on puisse les éclaircir. Je me concentre sur le paysage qui défile, interceptant de temps à autre les échanges de regards, lourds de sous-entendus entre Charles et Siloé. Je ne peux plus faire marche arrière. Que je le veuille ou non ces deux individus sont entrés dans ma vie, et rien ne me confirme qu'ils sont prêts à me laisser partir.
Submergée par la fatigue qui persiste, je m'endors.

SiloméOù les histoires vivent. Découvrez maintenant