Confirmant ses dires, j'entends des voix menaçantes s'élever au dehors. Ils sont en train d'enfoncer la porte principale.
- Tu as toutes les cartes en main désormais, Mérida. C'est à ton tour d'agir, et vite.
J'aperçois Siloé agiter nerveusement sa main. La situation est grave. Ils semblent tellement persuadés par leurs propos...
- Donnez-moi juste cinq minutes. S'il-vous-plaît, supplié-je.
- Pas une de plus, tranche un Charles strict.
Dans ma chambre, j'enfourne dans un sac plein d'affaires au hasard ainsi que des objets plus précieux : mes carnets de dessins, mes crayons, des photographies, une brosse à dent. J'attrape mes flèches ainsi que mon arc, sait-on jamais. Je rejoins à l'étage inférieur mes deux compères. Charles me tend une ceinture à mettre autour de la taille, avec mon petit poignard dedans. Il a dû le récupérer chez mon oncle ! Je lui souris en guise de remerciements.
- Bon. Je vais faire diversion. Siloé, emmène-là au portail. Ne vous retournez en aucun cas, ne parlez à personne. Mérida, il y a-t-il un endroit où vous pouvez partir en toute discrétion ?
- Dans le garage, il y a une porte de sortie, articulé-je.
- Parfait, allez-y, je vous rejoindrai.
Siloé attrape mon sac qu'il cale sur une épaule, et nous nous engouffrons dans une fuite des plus délirantes. Avant de quitter totalement mon logement, je peux supposer que Matthew et Cassien sont parvenus à démolir l'ouverture. Nous précipitons le pas, nous dirigeant vers la forêt. Une idée me bouscule, nous devons impérativement nous arrêter à mon repère. Une petite voix me pousse à voler les écrits de Cassien, qui sait ce qui est révéler dedans... Siloé hésite un instant, mais approuve finalement, pensant également que cela pourrait nous être utile. Il monte donc la garde tandis que je farfouille dans la multitude de bazar. Une fois l'objet de ma requête en mains, j'inspecte le cœur serré cette demeure. Je ne peux emporter avec moi tous ces livres, tous ces souvenirs... J'embrasse une dernière fois du regard ma petite cabane, et sors. Nous reprenons notre course effrénée, nous enfonçant dans les profondeurs des bois. Les ronces et les fougères se font de plus en plus présente, rendant les chemins pratiquement impraticables. Siloé dégage une allée, munie d'une épée que je n'avais jusque-là pas vue. Nous contournons les rivières ainsi que les rochers. Il nous est difficile de courir, donc nous ralentissons. Je jette des coups d'œil derrière moi, m'assurant que nous ne sommes pas suivis. Je percute Siloé, n'ayant pas capté qu'il s'était complètement arrêté.
- Nous y sommes.
Siloé se décale sur le côté pour que je puisse admirer la vue, et quelle vue ! Le spectacle devant moi est déroutant bien que spectaculaire. Jamais je n'étais allée aussi loin dans la forêt, et pourtant j'y ai passé des heures, des journées entières à l'explorer. Cela me rend perplexe. Je contemple de grands chênes plantés en demi-arc de cercle. Au milieu, un arbre encore plus gigantesque s'impose dans le paysage. Ici, l'air y est doux, pur. Des centaines de papillons de toutes les couleurs ont à priori élu domicile ici.
- C'est magnifique... formulé-je dans un souffle. J'ai l'impression d'être au Paradis.
- Mérida !! Je sais que tu es là ! Réponds, t'es où ?!
Inquiète par cette intervention externe, je me déplace face à Siloé.
- Cassien. Il nous a rattrapé ! Très bien, Mérida, je vais te demander de fermer les yeux, et de te concentrer dans un premier temps sur ta respiration, juste ça, ne prête pas attention à la voix de Cassien, mais uniquement la mienne. Inspire, puis bloque dix secondes ta respiration. Expire désormais par la bouche. C'est parfait. Maintenant, je veux que tu visualises la Mérida du passé, la petite fille lisant des contes, regardant des dessins animés par exemple, récitant des fables. Concentre-toi sur ce que cela t'a procuré, les émotions de ton corps, sur tes réactions...
Dans mon esprit, des bribes de mon enfance me reviennent. Je visualise lorsque j'avais six ans. Je jouais à des figurines, inventant des histoires invraisemblables. Je croyais férocement en la magie. Je me revois confectionner un château en carton, étrangement ressemblant à celui que Siloé me montre dans mes rêves. Tous les sentiments liés à ces croyances resurgissent dans le présent. Oui. J'ai envie d'y croire, d'échapper à une réalité qui ne m'a jamais convenu. Adolescente, je me suis convaincue que j'étais destinée à un chemin différent de ce que le parcours scolaire me présentait. Aujourd'hui, cette même étincelle renait dans mon ventre. Je rouvre les yeux. Un nouvel élément que je ne percevais pas il y a encore quelques secondes apparait. C'est un portail assez imposant, composé de fer et d'ornements que je ne reconnais pas. Il doit mesurer au moins cinq ou six mètres de hauteur... En revanche, il a un certain charme.
- Tu as réussi ! Bravo, je suis fier de toi !
- Je te fais confiance, Siloé. Ne la détruit pas, je ne le supporterai pas une deuxième fois, l'imploré-je en faisant référence à mon ancien meilleur ami.
Le craquement des ronces derrière nous nous indique l'avancement de Cassien. Il ne devrait pas tarder.
- Je suis né pour te protéger, je suis prêt à mourir pour ta survie, Mérida. Allons-y.
Il attrape ma main. Son geste me rassure instantanément. En dépit de ce soulagement, je ravale un énorme sanglot. Si j'avance de quelques pas, et que j'atteins bel et bien Oneiros, je quitte ma vie, mon train-train quotidien. Je laisse derrière moi mes parents, Carole, Barbara... Ils seront morts d'inquiétude si je disparais... Que racontera Éric ? Inventera-t-il un mensonge crédible ? Je repousse contre mon gré ces multitudes de questions pour me focaliser sur l'objectif principal : rejoindre ce fameux Royaume. Le portail s'ouvre sans aucune aide, ne dévoilant derrière lui qu'un voile flou.
- Mérida ! aboie quelqu'un derrière moi.
J'examine Cassien, mi-désolée mi-furieuse.
- Peu importe où tu vas, je te retrouverai. Je te retrouverai toujours.
- Mérida, dépêchons-nous, il faut que je puisse fermer le portail à temps et le protéger ! insiste vigoureusement mon allié.
Je soupire longuement, m'avançant alors dans l'inconnu. La peur est remplacée par l'excitation. Je suis enfin décidée à ouvrir mon cœur vers de nouvelles possibilités.
FIN DU CHAPITRE 4
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Silomé
ParanormalDepuis petite, Mérida est confrontée à des rêves les plus étranges. Le plus fou, c'est cet homme qui hante chaque nuit ses songes. Cet homme qui semble grandir en même temps qu'elle. Cet homme qui lui crie à l'aide, que son Royaume court à sa perte...