Chapitre 2 ~ Partie 5

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- Mince, désolée ! m'esclaffé-je interrompue par la sonnerie de mon téléphone.

A l'autre bout du fil, ma mère m'intime de rentrer à la maison. Elle semble soucieuse, du moins c'est ce que laisse présumer sa voix.

- Pardon Cassien, je dois retourner chez moi. Molly doit à priori me parler.

- Pas de souci. A plus tard alors.

Je butte sur sa dernière phrase, incrédule. Habituellement, mon meilleur ami se serait fait un plaisir de me raccompagner. Au lieu de ça, il ne le propose même pas, et s'en va, ayant probablement un truc de prévu. J'ai la sensation bizarre que plus les jours défilent, plus son comportement devient étrange. Lorsque l'on se fréquente, l'on discute énormément, on rit, on se promène, on se pose au café avec Samuel... Là, nos silences se sont transformés en une gêne malaisante.
Perdue dans mes spéculations, je manque de percuter une femme aux longs cheveux noirs.

- Eh ! Fais attention bon sang ! me réprimande-t-elle en me fusillant du regard.

- Oups, vraiment navrée !

Avant de repartir à destination, je me fais la réflexion que sa tête me rappelle étrangement celle de quelqu'un de familier. Je ne parviens juste pas à mettre le doigt dessus... Je secoue la tête et la fixe, l'observant partir au loin aussi vite qu'elle est apparue.

Sur le chemin du retour, de nombreux scénarios se déroulaient dans mon esprit. Je me questionnais sur ce que ma mère allait m'annoncer. Mon père était également assis sur une chaise devant la table du salon. Il portait ses lunettes, ce qui le rendait sérieux. Finalement, plus de peur que de mal. Ils m'ont annoncé partir deux semaines en vacances, comme c'était prévu initialement. Au vu de ma condition dernièrement, ils ont hésité à repousser leurs congés. Remise sur pied, je les ai convaincus de profiter de la plage et des eaux turquoise, ce qui manque ici. Leur vol est prévu tôt demain matin.

Mon soulagement n'est que de courte durée. Je scrute, nerveuse, l'horloge de ma chambre. Le rendez-vous avec la psychologue approche à grand pas. Je fouille dans mes méninges, en quête à des excuses à lui balancer. Tout à coup, je flanche, n'étant plus aussi certaine à vouloir décrire mes rêves... En réintégrant ma chambre quelques minutes plus tôt, je me suis assurée de constater si la lettre figurait encore là. Elle n'a pas bougé d'un millimètre. Je la tapote, songeuse.

Sans me presser, je prends le bus en écoutant de la musique. Un cover de « Survivor » initialement de Beyoncé défile sur mon téléphone. Celle-ci est notre préférée avec Cassien. Elle nous motive, peu importe la situation à laquelle l'on fait face. C'est comme si un regain d'énergie s'emparait de notre corps, nous sentant puissant et inatteignable. La peur me quitte, balayée par une idée qui s'immisce tout doucement en moi... Une nuit, en cherchant sur le net une énième signification concernant mes troubles, je suis tombée sur une page dédiée à ce que l'on appelle les « rêves lucides ». Grosso modo, j'ai appris que l'on peut contrôler nos rêves, en être conscient ! Cela demande une certaine technique, et j'imagine un degré important de lâcher prise. Rien ne me coûte d'essayer... J'ai pour habitude de méditer avant de dormir. Cela m'aide à me détendre. J'aime développer et ouvrir mes chakras, me sentir ancrée à la terre. Retourner dans mon temple, là où la solitude n'est pas un problème, là où une paix et un amour m'étreignent. Peut-être que méditer me mettrait dans de bonnes conditions pour rêver en pleine conscience ?

J'appuie sur le bouton « Stop » et dans la minute qui suit, le bus s'arrête à mon arrêt. J'enlève mes écouteurs, les fourre dans la poche de ma veste et me prépare psychologiquement (c'est le cas de le dire...) à être analysée sous les moindres détails. C'est drôle, j'intègre une licence de psychologie et avant même d'avoir étudié une seule leçon, je me retrouve en tant que sujet. Trêve de plaisanteries. J'arrive à destination d'une petite place assez coquette. C'est un coin que je fréquente assez peu à vrai dire. Au milieu, une fontaine trône, suivit de quelques bancs autour. Quelques commerces de premières nécessités siègent ici : une pharmacie, une supérette de proximité, des cabinets, dont celui de ma future thérapeute, ainsi qu'une boulangerie. D'ailleurs, l'odeur du pain chaud attise ma faim. La particularité de ce lieu est sa zone piétonne : elle est pavée avec des lampadaires d'une ancienne époque. Dans un coin à droite, près d'un arbre, il y a même un puit inutilisé ! L'endroit me conquit, bien qu'il soit morose et sans fleurs pour décorer l'espace qui pourtant a du potentiel. De plus en plus de rues deviennent abandonnées, ou alors sont reconstruites, afin de moderniser ce qui n'est plus au goût du jour...

SiloméOù les histoires vivent. Découvrez maintenant